Mali : les vieux démons de la colonisation se réveillent en Algérie !

L’extrême-Gauche française – le Parti communiste, le NPA, mais aussi le Vert Noël Mamère – n’est pas la seule à pointer les relents néocolonialistes de l’intervention militaire de la France contre les milices islamistes du Nord-Mali. A rebours du discours de leurs leaders politiques, de nombreux journaux algériens dénoncent avec virulence le déploiement de l’armée française en Afrique de l’Ouest… qui ravive les mauvais souvenirs du colonialisme et de la Françafrique.

Pourquoi l’immense majorité de la presse algérienne vilipende-t-elle dans ses colonnes l’intervention de la France au Mali ? Pour trois raisons : elle déplore le retour de la « Françafrique », elle soupçonne la France de vouloir sinon punir du moins toucher indirectement l’Algérie, elle craint aussi et surtout de voir son pays entraîné dans le bourbier malien. Pourtant, le gouvernement algérien, lui, soutient l’opération « Serval » orchestrée par le président français, François Hollande, le 11 janvier 2013.

L’éditorial du quotidien Liberté, paru le 13 janvier, débute par un commentaire de texte qui prend la forme d’une critique de l’opération « Serval » violemment satirique : « L’intervention militaire française au Mali a été baptisée du nom de code Serval. Pour ceux qui ne le savent pas, le serval est un petit félin africain qui a la particularité d’uriner trente fois par heure pour marquer son territoire. Justement… ». Ici, la comparaison – non-dénuée d’humour – entre les bombardements intempestifs des avions de chasse français et les envies irrépressibles des servals, est évidente. « La France a ainsi décidé de faire l’impasse sur les résolutions onusiennes pour partir en guerre contre le terrorisme au Sahel. Toute seule, comme le serval, elle n’a pas résisté à la tentation épidermique de revenir dans son ancien précarré pour montrer à tout le monde qu’elle est la seule qui connaît le mieux les intérêts des Maliens. Leurs anciens colonisés », poursuit le quotidien filant la métaphore avec une certaine dose de mauvaise foi. Rappelons que la France, en intervenant militairement, a répondu aux appels au secours du président par intérim du Mali, et qu’elle a reçu a posteriori l’accord de principe du Conseil de sécurité des Nations Unies.

Ce que perçoivent les Algériens derrière l’interventionnisme « altruiste » de la France, c’est le retour des réflexes colonialistes… qui avancent masqués… et qui redessinent les contours quelques temps estompés de la Françafrique. Selon Liberté toujours, « François Hollande a démontré qu’il ne peut rien changer à la réalité de la Françafrique (…). Quand l’intérêt français est menacé en Afrique (Côte d’Ivoir, Rwanda, Tchad, Gabon, Centrafrique…), Paris dégaine son costume de gendarme et envoie ses hélicoptères. Protéger les gisements d’uranium du Niger vaut tous les sacrifices de dépenses militaires même en pleine crise économique ». L’éditorialiste de Liberté n’a pas tort lorsqu’il pointe les intérêts économiques de la France – l’uranium, exploité par Areva, permet de nourrir un tiers des réacteurs nucléaires d’EDF – qui ont probablement motivé la mobilisation de la France en Afrique de l’Ouest… D’ailleurs, l’ « isolement de la France » est bien la preuve d’une décision purement intéressée selon le quotidien L’Expression.

D’autres journalistes algériens enfoncent le clou encore plus loin en accusant la France de vouloir « déstabiliser l’Algérie ». Rien que ça. Ainsi, Le Temps d’Algérie relaie dans son numéro du 13 janvier une tribune de l’expert Laid Seraghni dans laquelle il affirme que « derrière l’enjeu malien, la France coloniale cherche à punir l’Algérie. » Il détaille en ces termes : « Cette crise n’est qu’une étape pour atteindre in fine l’Algérie, dont le Sud est cerné par l’armée française ». Car « la France cherche par les armes à réaliser un rêve colonial » selon l’analyse un brin parano. Il n’est pourtant pas le seul… Pour le professeur Ahmed Adimi, interviewé dans Le Soir d’Algérie, « l’intervention militaire française au Mali est une des étapes d’un plan visant l’installation de forces étrangères dans la région du Sahel. » C’est une position encore plus « extrême », qui frise avec le conspirationnisme, que défend le politologue Menas Mesbah dans Le Temps d’Algérie : « La France mène, au Mali, une guerre par procuration au profit des Etats-Unis d’Amérique, lui permettant également de défendre ses intérêts historiques ». Ainsi donc, Paris ne serait que la marionnette de Washington ?

Mais ce que redoutent vraiment les journalistes et intellectuels algériens, c’est de voir leur patrie entraînée dans le conflit… Car les milices djihadistes qui sévissent actuellement dans le Nord du Mali sont aussi présentes aux frontières de l’Algérie – notamment au Sahel. Mobiles, puissantes, éparses et déterminées, elles conduiront, pour certains observateurs, la France dans un bourbier meurtrier. Pour le politologue Kharroubi Habib, interviewé dans le Quotidien d’Oran, la crise malienne aura des répercussions sur l’Algérie, qui sera donc tenue de « sécuriser ses frontières et renforcer ses forces au niveau des frontières ». M. Seragnhi va plus loin en estimant indispensable une intervention militaire de son pays.

Dans El Watan, le chef des Touaregs d’Algérie, l’Amenokal du Hoggar, prophétise « le chaos »… dont les signes avant-coureurs sont déjà visibles : les tentatives d’infiltration de groupes terroristes d’Al-Qaïda et l’arrivée en masse de nombreux réfugiés.

Photo : lors de son premier voyage en Afrique – le 12 octobre 2012 au Sénégal – depuis son élection, François Hollande avait insisté sur la fin de la Françafrique. Rebecca Blackwell/AP/SIPA.


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