Mali : Mélenchon, Besancenot, Le Pen, de Villepin… brisent la pseudo unité nationale

L’intervention militaire de la France pour freiner l’expansion des milices islamistes depuis le Nord du Mali reste unanimement saluée par la communauté internationale : l’Europe, les Etats-Unis, l’OTAN… Même la Russie et la Chine ont soutenu du « bout des lèvres » les bombardements des avions de chasse français. Couronnement suprême de l’opération « Serval » impulsée par François Hollande : l’obtention hier du soutien de principe du Conseil de sécurité de l’ONU. Alors que se dessine une nouvelle « union sacrée »… Qui ose encore avancer que l’intervention française au Mali est une erreur ?

Tous ceux qui s’opposent au déploiement des forces armées françaises au Mali jouissent d’une faible visibilité dans les médias… Qui préfèrent parler des soutiens internationaux dont bénéficie la France. Et le plus puissant d’entre eux est celui des Nations Unies. Conquis lundi 14 janvier par les diplomates français à l’issue de consultations au Conseil de sécurité de l’ONU. Ravi de la « compréhension et du soutien » obtenus par Paris, l’ambassadeur de la France auprès des Nations Unies à New York, Gérard Araud a déclaré : « Tous nos partenaires ont reconnu que la France agit en conformité avec la légalité internationale et la charte de l’ONU ». Dans l’attente de la mise en œuvre de « la résolution 2085 de l’ONU » qui, adoptée le 20 décembre dernier, autorise le déploiement d’une force internationale, essentiellement africaine, pour reconquérir le Nord du Mali, des voix dissonantes se sont exprimés au sein même de l’Hexagone.

Car « l’union sacrée » brossée par bien des médias n’existe pas en France. Certes, plusieurs piliers de l’opposition ont soutenu la décision prise par François Hollande de mobiliser les forces françaises dans l’ancienne colonie d’Afrique de l’Ouest. C’est notamment le cas de l’ancien ministre des Affaires étrangères de Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, des deux ex-candidats au leadership de l’UMP, François Fillon et Jean-François Copé, de la présidente du Front national, Marine Le Pen et du chef de l’UDI (centre) Jean-Louis Borloo.  Mais beaucoup d’autres, de Droite comme de Gauche – ont condamné, plus ou moins violemment, l’intervention de l’armée française au Mali. Qui sont-ils ? Et pourquoi pensent-ils que le président socialiste commet une terrible erreur ?

A l’extrême-droite de l’échiquier politique, le président d’honneur du Front national, Jean-Marie Le Pen s’est insurgé contre le déploiement de soldats français au Mali, démentant ainsi les propos de sa fille : « Nous avons soutenu, avec M. Sarkozy et le soutien du PS, des rebelles djihadistes en Libye, même militairement, considérablement. D’ailleurs, c’est le boomerang : Nous retrouvons en face de nous l’armement qu’on a parachuté aux djihadistes de Libye. Idem en Syrie, on souhaite la victoire des djihadistes de Syrie, et on le combat au Mali : comprenne qui pourra, c’est la démarche de la bonne femme saoule qui titube d’un bord à l’autre de la route ».

A droite, l’ancien premier ministre de Jacques Chirac, Dominique de Villepin, a aussi exprimé son opposition au président de la République. Dans une tribune publiée ce week-end dans le Journal du dimanche, il estime qu’« aucune des conditions n’étaient réunies pour décider de cette intervention ». Développant : « Nous nous battrons à l’aveuglette, faute de but de guerre. Arrêter la progression des djihadistes vers le Sud, reconquérir le Nord du pays, éradiques les bases d’AQMI [ndlr, Al-Qaïda au Maghreb islamique], sont autant de guerres différentes. » Pour Dominique de Villepin, l’intervention isolée de la France ne peut que se solder par un échec…

Point de vue partagée par la « Gauche de la Gauche ». L’ancien candidat du Front de Gauche, Jean-Luc Mélenchon, critique ainsi dans un communiqué la position du chef de l’Etat : « L’intérêt d’une intervention militaire extérieure pour régler le problème posé au Nord du Mali est discutable. » L’ancien socialiste déplore surtout la non-consultation du Parlement. Même chose pour Europe Ecologie-Les Verts (EELV) : « Conscients de la gravité de la situation, en ayant une pensée pour les otages retenus dans la région, EELV, tout en regrettant que le Parlement n’ait pas été consulté en amont de cette décision, souhaite que l’opération engagée par la France soit strictement limitée dans le temps et que l’armée africaine laisse très rapidement la place à une force d’intervention africaine ».

Le PCF, comme le Vert Noël Mamère, dénoncent les méthodes d’intervention de la France au Mali et redoutent le réveil des vieux démons de la colonisation. « La France, ancienne puissance coloniale, ne peut apparaître comme voulant poursuivre les pratiques dominatrices de la ‘Françafrique’ », selon le parti communiste. « On a le triste sentiment de revenir aux méthodes anciennes de la Françafrique. S’il y avait un vote au Parlement, je refuserai de participer à cette mascarade », explique pour sa part le député écolo.

Enfin, l’extrême-gauche condamne violemment la décision de François Hollande. Le Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA) d’Olivier Besancenot dénonce une « intervention militaire impérialiste décidée par Hollande, une fois de plus sur le dos des peuples (…). Qui a dit que la Françafrique c’était fini ? » Pour le parti trotskyste, l’opération « Serval » ne viserait qu’à « protéger les intérêts » de la France en Afrique de l’Ouest. La porte-parole de Lutte Ouvrière (LO), Nathalie Arthaud, critique avec virulence les soldats français qui, selon elle, « ont assassiné indifféremment preneurs d’otages et civiles » lors de l’intervention en Somalie. Elle vilipende « l’attitude [révoltante] de l’armée française, qui se considère là-bas comme en terrain conquis ».

Pour ces opposants, l’engagement de la France au Mali est une erreur tant sur la forme (anti-démocratique) que sur le fond (le réveil de la Françafrique) dont les répercussions seront terribles. L’ONG Amnesty International expliquait ainsi fin décembre qu’une « intervention militaire au Mali risque[rait] d’aggraver la crise ».

Crédit photo : R.Nicolas-Nelson/Sirpa-Air


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