Marine Le Pen : Le FN et la fausse polémique du porc à la cantine

Le Front National, annoncé grand gagnant de ces municipales 2014 car le parti a rempli les objectifs  électoraux qu’il s’était fixé, a commencé par une action symbolique qui créer la polémique : la question du porc dans les menus des cantines scolaires. Le parti d’extrême droite veut garantir ou rétablir l’intégration du porc dans les menus s’il a été supprimé. « Nous n’accepterons aucune exigence religieuse dans les menus des écoles. Il n’y a aucune raison pour que le religieux entre dans la sphère publique, c’est la loi » a annoncé, vendredi 4 avril, la présidente du FN sur RTL.

Pour Marine Le Pen, il s’agit de « sauver la laïcité qui est en très grave difficulté » car, d’après le leader du parti d’extrême droite, « fermer les yeux sur les violations de la laïcité, c’est dans l’esprit de beaucoup de maires UMP et PS s’associer la bienveillance de communautés ». Sur son compte Twitter, la chef frontiste continue d’alimenter le débat en écrivant : « Polémique artificielle : il s’agit d’interdire l’interdiction du porc dans les cantines, et polémique inutile car il y a toujours 2 menus ! » Mais tout cela se révèle être faux.

La présidente du Front National dénonce l’absence de porc dans les menus scolaires par soucis de simplification des préparations. Cependant, si l’on se penche sur les chiffre, on peut voir que « l’interdiction » du porc dans les cantines n’est absolument pas un phénomène appliqué de manière massive. Sur 19 000 communes munies d’un service de restauration scolaire, 80% font appel à des cuisines centrales avec un service de livraison pour diverses structures. Seul 20% des cantines préparent les repas au sein même de leurs cuisines.

Parmi ces cantines qui préparent les menus sur place, certaines ont décidé de supprimer les menus de substitution et d’imposer uniquement un repas avec du porc.  Et d’autres ont fait le choix de supprimer le porc des cantines afin de proposer un menu unique convenant à chaque élève. C’est à la mairie en place de décider de ce choix d’alimentation dans les établissements scolaires qu’elle gère.

Un rapport sur l’accessibilité des cantines scolaires a été publié en 2013 par Dominique Baudis, défenseur des droits. Concernant le sujet du porc dans les menus scolaires, il est indiqué que « cette question [du porc] n’est pas apparue comme une question prioritaire à travers les témoignages reçus par le défenseur des droits ». Mais le rapport explique cependant en détail les requêtes principales de la question :

« La plupart de ces témoignages exprimaient un simple souhait de repas sans viande et, dans de rares cas, la mise en place de menus hallal. Certains revendiquaient par exemple un plat de substitution à la viande, ou, plus simplement, la possibilité d’avoir connaissance à l’avance du menu afin de prévoir les jours de présence de l’enfant. Dans les faits, la plupart des cantines scolaires proposent, de longue date, des plats de substitution à la viande de porc, tout en servant du poisson le vendredi, pratique qui n’a pas été remise en cause par le juge ».

Et contrairement à ce qu’a annoncé sur Twitter Marine Le Pen, il n’existe aucune obligation légale pour une municipalité d’assurer un plat de substitution aux menus comprenant du porc. Le défenseur des droits recommande tout de même « aux mairies qui s’en tiennent au principe de neutralité religieuse en matière de repas scolaires » d’en « informer les parents lors de l’inscription » et d’afficher les menus suffisamment en avance afin que les parents d’enfants qui ne consomment pas de porc puissent s’organiser en conséquence.

Dominique Baudis rappelle que la majorité des écoles ne sont pas concernées par ces mesures puisque la plupart des établissements scolaires proposent des plats de substitutions aux plats contenant de la viande de porc mais pas seulement. Le poisson, proposé le vendredi par tradition chrétienne, et donc religieuse, est souvent également accompagné d’un plat de substitution dans les cantines.

En vérité, plus qu’une véritable polémique, la question reste avant tout économique : les petites communes n’ont pas les moyens de proposer systématiquement des plats de substitution. Les municipalités concernées sont donc confrontées à deux choix : imposer la viande de porc sans plat de substitution (au risque de pénaliser certains élèves d’un point de vue nutritionnel à cause du manque de protéines dans le menu) ou de ne plus servir de porc.

N’oublions pas que ce problème ne concerne qu’une petite partie des établissements scolaires. Depuis des années, la grande majorité des cuisines centrales prévoient des plats de substitutions pour les élèves qui ne consomment pas de porc. Et pour les communes qui cuisinent sur place, le choix est souvent politique. La polémique (re)lancée par la chef du parti d’extrême droite est donc faussée, et les villes du FN ne sont pas concernées par ce choix qui ne se pose que dans quelques petites communes.


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