Le cri du nuage

Au 4, rue du Bouloi bouillonne Le Laboratoire, un lieu de création novateur. En son sein, artistes et scientifiques travaillent ensemble. Dans ce laboratoire à l'imagination hybridée, Shilpa Gupta, artiste indienne de renom, et Mahzarin Banaji, psychologue de même nationalité enseignant à Harvard, dialoguent sur la part incontrôlée de nos préjugés. Plongée dans la boîte de Pandore des peurs inconscientes….

Au sous-sol de ce laboratoire en effervescence, les créatures angoissantes, nées de la réflexion de l'artiste et de la scientifique peuplent un espace froid, clos, gris. Une métaphore de la boîte noire de notre subconscient.

Ça et là grésillent quelques monstres de l'esprit. Un nuage noir immense, amas de centaines de têtes de microphones, chante à plusieurs voix Song of the Cloud, une mélopée en une langue inconnue, ode mélodieuse à l'amour. Parfois, le nuage se tait. Parfois, il hurle. Parfois, il murmure le bruit des trains qui partent, qui arrivent, qui font se croiser les foules. Plus loin, un panneau d'affichage d'aéroport renouvelle dans un bruit de lettres qui s'affolent, des messages étranges. « Am unable to control it ». Bruits de lettres. « 00 :00 no longer alive ». Bruits de lettres. « My memory excludes me ». Dans un autre coin de la salle, un homme chuchote « Sometimes, you call me indian, north indian, sri-lankan. Sometimes, you call me british… ». Contre un mur, d'inactifs sifflets menaçants se taisent…jusqu'à quand ?
Ce bestiaire de l'inconscient est une mise en espace poétique des processus implicites et refoulés qui nous gouvernent, lorsque nous sommes face à l'autre.
Les œuvres sont peu nombreuses, il est vrai, mais elles sont de qualité. Cet aspect minimaliste n'est pas rédhibitoire puisque le parcours ne se limite pas à l'exposition elle-même. En effet, Le Laboratoire porte bien son nom : il nous permet de découvrir les arcanes de la démarche créative. D'une part, des médiateurs sont présents, tout au long de la visite, pour répondre aux éventuelles questions. Et d'autre part, la médiathèque présente ouvrages, articles et entretiens, en rapport avec l'exposition, permettant d'étayer son propos et d'en comprendre plus précisément les enjeux. En outre, deux ordinateurs sont mis à disposition, si vous voulez vous livrer aux tests d'associations implicites, élaborés par l'université d'Harvard, qui tentent de déterminer la part de réflexes automatiques concernant le jugement que nous portons malgré nous sur certains groupes de personnes (homosexuels, noirs, blancs etc.).
Le Laboratoire, à expérimenter donc !


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