The Antlers : Opération à coeur ouvert

C’est ce que propose Peter Silberman pour son premier album avec the Antlers, quelque part où l’étrangeté des émotions se traduit mieux par des sons électro-pop que par des mots. Une livraison franche et sans pudeur d’affects : on parcourt le voyage en quelques chansons, avec lui.

Le prologue ouvre l’album Hospice et donne quelques éléments d’entrée dans l’univers, levant à moitié le voile pour un mystère poétique intact. L’idée ? Une liaison dangereuse entre le malade qui se consume et son proche qui se détruit à son contact. Concept cauchemardesque pour musique rêveuse…

‘L’histoire se passe dans un hôpital. Les chansons en dégagent l’état mental et psychique, l’état émotif. L’hôpital est un lieu étrange et conduire quelqu’un dans la mort mais en veillant à son bien-être ne va pas de soi. Cette étrangeté est devenu ma structure de travail, et ça me touchait de façon très personnelle pour l’avoir vécu…’

Kettering mélange le malade et l’accompagnateur aimant, le sourire et le lit, deux êtres indubitablement liés mais si loins l’un de l’autre. C’est un sourire sur ce lit d’hôpital et cette impossibilité à se résigner à l’abandon et pourtant, la connexion est tellement douloureuse…Une expérience pour le moins intime.

‘Je parle de manipulation émotive et abusive. Je connais beaucoup de gens qui ont eu affaire ce genre de situations et se rendaient compte à quel point cela peut affecter toute une vie et toutes les relations avec les autres. Comment cela se vit, comment on en sort aussi, si l’on en sort. D’une certaine façon c’est un album de rupture, non pas de la perte de quelqu’un, mais d’une relation saine et équilibrée, d’une harmonie.’

Sylvia chante : ‘I imagine somehow you’re going to hear me. Let me do my job, take the temperature’…L’aimant espère être entendu d’une quelconque manière par la malade, même enfoui dans toute cette incertitude et la musique est peut-être une façon d’accéder à une autre dimension d’entente que par les simples mots, la pensée, le verbe habituel. Mais la relation est difficile, la malade ne laisse pas le médecin prendre la température. Il y a refus bloquant de toute relation, mais nécessité et persistance à la poursuivre.

‘Ce n’est peut-être pas très rigolo, mais la musique ici n’est pas seulement quelque chose de triste au sens commun. Elle est aussi agréable, comme une mélancolie heureuse. Je pense qu’il y a un public aujourd’hui pour ce genre de choses un peu bizarres. C’est quelque chose de très personnel, mais jusqu’à un certain degré : quand l’album se crée pour soi-même. Après c’est autre chose et en concert, mes chansons deviennent celles du public, ce qui facilite le travail pour moi dans ma relation à cette musique.’

Bear est un rattachement à la vie. Une harpe radieuse, des charades, du champagne dans le Chelsea, un nounours dans le ventre, comme une peluche, un étouffement, l’enfance ou le cancer, cette chanson cherche la liaison perdue à la vie, comme un espoir impossible, un joli souvenir ou une nécessité.

‘La musique est indissociable des paroles. Je me suis rendu compte à quel point toute cette musique sonnait comme un rêve, j’appellerais ça un cauchemard pop, irréel, sombre et léger aussi. C’est toujours d’une jolie brillance, même noire et ça sonne comme le paradis. Mais les rêves sont déstabilisants autant que beaux parfois. Comme la vie, quand on la ressent étrangère à soi-même, comme irréelle.’

Two compte à deux mais annonce que le duo n’est plus possible et que la personne malade ne peut être sauvée. ‘Enough is enough’, c’en est assez, de la vie ? D’attendre sans avoir le verdict définitif ? Atmosphère brumeuse et chaude, pour nous conter ce qui ressemble à un cauchemard, à un traumatisme, à un délire ou à la réalité : un viol dans lequel des cheveux sont arrachés, un corps mis dans une machine, un papa traité de ‘trou du cul’ et l’on n’en saura jamais plus, émerveillés par les notes délicates de la berceuse…‘L’idée c’est de ne pas en dire en trop, ni pas assez. Il faut garder ce mystère, c’est primordial, mais être dans cette justesse où l’on comprend quelque chose sans que tout soit vraiment clair.’

Shiva annonce que les machines ont cessé. Fin de la vie, fin d’un album prenant et surprenant que l’on peut resusciter autant de fois que l’on souhaite, mais avec modération…Car danger de perte.

Album : Hospice, sortie le 26 octobre 2009

Label : Frenchkiss

Leur myspace

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