Simone Veil immortelle

Simone Veil, dont le nom sera à jamais associé à la cause des femmes et à la mémoire de la Shoah, fait aujourd’hui son entrée sous la coupole des « Immortels », parmi les sages de l’Académie française. C’est Jean d’Ormesson qui lui a rendu hommage en prononçant son discours de réception.

Sixième femme à siéger dans la prestigieuse institution du Quai Conti, Simone Veil, 82 ans, fait désormais partie des « immortels ». C’est en 1980 que la première femme, en la personne de l’écrivain Marguerite Yourcenar, est admise à l’Académie française. C’est le même Jean d’Ormesson, qui a rendu aujourd’hui un vibrant hommage à la nouvelle académicienne, qui appuya activement la candidature de l’auteur des Mémoires d’Hadrien, élue à l’Académie il y a tout juste trente ans. Le symbole est fort, à l’image de l’émotion suscitée par l’entrée sous la coupole de l’ancienne ministre et présidente du Parlement européen.

Une rescapée d’Auschwitz
Personnalité préférée des Français, Simone Veil a fait de sa vie un combat. Née Simone Jacob en 1927 à Nice, Simone et sa famille subissent les lois anti-juives dès 1940. Avec sa mère et l’une de ses sœurs, Madeleine, elle est déportée en 1944 dans le camp d’Auschwitz-Birkenau. Pendant plus d’un an, elle vit l’enfer des camps. Sa mère mourra du typhus peu avant l’arrivée des Alliés et la libération du camp. Simone Veil témoignera de sa vie dans les camps de la mort, notamment dans une interview pour « Les Grands Entretiens du cercle » en 1997. C’est en 1994 qu’elle retourne pour la première fois à Auschwitz, où elle aura du mal à masquer sa grande émotion.

Son combat pour l’avortement, un combat pour les femmes
De retour en France, elle se lance dans des études de droit et entre à Science Po Paris. C’est là qu’elle rencontre son futur mari, Antoine Veil, qu’elle épouse en 1946. Elle entame finalement une carrière de magistrate, et décidera d’intervenir dans la vie politique plus tard. C’est aux côtés de Valérie Giscard d’Estaing qu’elle fait ses premiers pas en politique. Elle entre dans le gouvernement de Jacques Chirac en 1974, comme ministre de la Santé. Commence alors une lutte acharnée pour légaliser l’accès à l’avortement. Honnie par une partie de l’électorat de droite, subissant les insultes et les pressions, Simone Veil ne cède pas face aux députés qui lui tiennent tête. Dans son discours, Jean d’Ormesson est revenu sur ce moment-clé de la vie politique française, et sur les difficultés qu’eut à affronter la ministre : « Une minorité de l’opinion s’est déchaînée – et se déchaîne encore – contre vous. L’extrême droite antisémite restait violente et active. Mais d’autres accusations vous touchaient peut-être plus cruellement. ‘Comment vous, vous disait-on, avec votre passé, avec ce que vous avez connu, pouvez-vous assumer ce rôle ?’ Le mot de génocide était parfois prononcé. » Simone Veil parvient finalement à convaincre les députés qui votent le projet de loi, suivis par les sénateurs. La « loi Veil » est née. « C’était une victoire historique. Elle inscrit à jamais votre nom au tableau d’honneur de la lutte, si ardente dans le monde contemporain, pour la dignité de la femme« , a résumé avec admiration et émotion l’académicien.

Fervente européenne
Celle qui reste aujourd’hui un symbole de la lutte féministe fut aussi une grande militante de la cause européenne. En 1979, elle devient la première présidente de l’Assemblée européenne élue au suffrage universel. Au sein de l’institution européenne, elle n’a cessé de militer pour les droits de l’homme, et continua son combat après avoir quitté ses fonctions en 1984.

Cette grande femme entre à jamais dans le Panthéon des figures françaises qui font honneur au pays des lettres et des droits de l’homme. C’est l’ancien président Jacques Chirac qui lui a remis son épée d’académicienne, sur la lame de laquelle est gravé son numéro de déportée. Emue, Simone Veil a rendu hommage à son père qui, « disparu dans l’enfer de Bergen-Belsen, quelques jours avant la libération des camps (…) révérait la langue française » ajoutant, « Plus encore que je ne le suis, il serait ébloui que sa fille vienne occuper ici le fauteuil de Racine« .


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