Benjamin Paulin : « J’ai envie d’être un transgenre »

Deux ans après son album « l’homme moderne », Benjamin Paulin revient au devant de la scène avec un album plus personnel. Maniant avec brio ironie et dérision, le chrooner sait se livrer sans retenue assumant toute sa sensibilité. Entretien avec un artiste qui marquera certainement la chanson Française.

Après suicide commercial, un titre provocateur, votre deuxième opus s’intitule « Deux ». Que cache ce deux, et quelle dualité évoquez-vous?

Le deux évoque la dualité entre l’auteur et l’interprète. C’est une problématique que je voulais explorer, la lutte entre l’auteur et l’interprète m’intéressait et l’envie de raconter la possible cohabitation entre les deux. C’est l’expérience de mon premier disque qui m’en a donné le goût. C’était un album radical, germanique comme on dit, mystérieux contrairement à celui là qui est pensé et où je fais tomber le masque et je prends surtout le risque de me mettre à nu. Pour moi : l’auteur est libre, l’interprète lui, est résumable.

En écoutant votre album, il y’a beaucoup de tristesse, de mélancolie. N’avez-vous pas peur d’être catalogué comme un romantique mélancolique?

Cette année, j’ai vécu une période assez difficile sur le plan personnel (j’ai perdu beaucoup de proches). Du coup, j’avais moins envie de rire, d’ironiser. C’est plutôt une démarche psychanalytique où j’ai essayé d’explorer la tristesse morale, celle que l’on vit au quotidien, que l’on porte en soi et qu’on essaie de camoufler, de maquiller dans une société guidée par le divertissement. Le malheur pour moi est normal.

Tristesse rime généralement avec humilité, mais dans certains de vos titres, on vous sent hautain voire même prétentieux. Qu’en pensez-vous?

Non, je ne crois pas que je sois quelqu’un qui carbure aux certitudes. Bien au contraire, j’ai fait mon album à partir d’un ressenti et je crois qu’il doit pouvoir parler à tout le monde. Ma démarche n’est pas élitiste, elle est plutôt intime donc forcément elle doit comporter assez de générosité pour n’exclure personne et intéresser le grand public. Donc , non , je ne suis pas un artiste prétentieux encore moins un intellectuel méprisant. Mes textes sont simple d’accès, ca me paraît simple et je ne pense pas que les gens soient bêtes.

On vous sent plus apaisé, réconcilié avec vous même. Qu’en est-il de votre expérience dans le milieu du rap, une expérience pour laquelle vous avez essuyé des critiques et où le milieu du rap n’a pas été tendre avec vous après votre reconversion solo?

C’est une expérience que je revendique aujourd’hui. Il est vrai qu’au début, j’étais comme un chat qui cachait son caca, c’est juste que moi je cachais mon passage dans le milieu du rap. Mais pour moi, rentrer dans le monde de la musique par la porte du rap serait comme faire un carrière au cinéma dans le porno. Mais ce qui me choque des fois dans le milieu du rap, c’est une sorte de fanatisme : On aime pas la musique, ni le rap dans sa globalité mais le rap français et c’est l’envie de rompre avec ses stéréotypes qui m’a fait explorer autre chose.

Votre expérience dans le milieu du rap mise à part, quelles sont vos influences musicales et ou vous vous situez aujourd’hui dans la chanson française?

Léo ferré, Brel, Gainsbourg, des figures qui ont osé exister avec autre chose, à leur manière et ils sont respectables pour des raisons différentes. Je me reconnais dans ce je fais pas en ce qui se fait. Le fait de choisir de chanter des textes est une tentative désespérée de parler aux gens. En écrivant mes textes, je peux hurler ma douleur ou autre chose sans être interrompu mais une fois mes textes chantés, ils ne m’appartiennent plus. J’accepte de les soumettre au regard du public et à lui de les accepter ou de les renier.

Pour finir cette entrevue, une question que vous aurez aimé que je vous pose et que je n’ai pas posé?

Ca te ferait quoi de vendre un million de disques? -Franchement, ca ne changerait rien pour moi- (avant d’éclater de rire)

 


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