Grève des chômeurs : étudiants, stagiaires, participez aussi !

Un appel à une « grève des chômeurs » a été lancé hier en direct sur France 2 dans un désordre raisonnable. Le début de cette grève est pour le lundi 3 mai 2010. Les étudiants et les stagiaires sont invités à se joindre aux demandeurs d’emploi en colère.

Hier soir sur France 2, un petit groupe de personnes a fait irruption (dans le calme, et sans violence) sur le plateau de l’émission « L’objet du scandale » présentée par Guillaume Durand et dont Frédéric Mitterrand était l’invité. Ils ont déployé deux grandes banderoles sur lesquelles était inscrit « grève des chômeurs/ses » et trois personnes ont pris la parole. L’intervention a duré cinq minutes.

Les demandeurs d’emploi, via une première personne, ont appelé à la grève le 3 mai « qui aura lieu à Paris, à Rennes, à Tours, à Nantes, à Montreuil, et à Brest ». Une jeune femme a ensuite pris la parole pour lire un texte, dont voici la retranscription.

« On en a marre de la culpabilisation et de la mise au travail forcé. Nous avons besoin d’inventer ensemble une grève des chômeurs, une grève de tous les précaires. Nous appelons à commencer dès le 3 mai. Ce n’est pas parce qu’on n’a pas d’usine où nous retrouver qu’on ne va pas s’organiser. Mais ce serait quoi, une grève des chômeurs ? Ca commencerait par un mouvement de refus, refus de nous laisser harceler, mobiliser, culpabiliser, insérer de force. Les réformes du Pôle Emploi  ou du RSA cherchent à nous coincer, un par un pour nous nous faire accepter des emplois de 10 heures par semaine payés une misère dans les secteurs les plus difficiles. Il faudrait accepter n’importe quel travail sous peine de perdre une allocation de survie… (Rappelons juste que monsieur Sarkozy vient de proposer encore une fois de couper les allocations aux familles dont les enfants seraient suspectés d’absentéisme.) … et qu’en plus nous soyons reconnaissants. Devrions-nous avoir honte de ne pas savoir nous vendre à n’importe quel employeur ? Honte de ne pas vouloir déménager pour un boulot ? Honte de ne pas accepter tout et n’importe quoi ? Franchement, nous avons mieux à faire que ce que l’on exige de nous. Voilà pourquoi nous refusons d’être suivis, contrôlés, managés, culpabilisés, radiés. Pendant ce temps on renfloue les banques avec l’argent public et on ose nous dire qu’il va falloir se serrer la ceinture. Nous serons en 2010 un million supplémentaire de chômeurs sans droits. Une fois de plus nous servirons de prétexte à des débats d’expert sur les travailleurs pauvres qui décideront à notre place ce qui est bon pour nous. La grève des chômeurs et précaires, ce serait dès maintenant ne pas rester isolés, sortir des eaux glacées du calcul égoïste dans lesquelles on nous plonge. La grève des chômeurs et précaires, ce serait décider ensemble d’enrayer une machine à précariser faites pour nous manager à mort. Nous appelons tous les travailleurs précaires, les intérimaires en colère, les intermittents du spectacle et de l’emploi, les saisonniers, les stagiaires démotivés, les étudiants désorientés, les retraités en mal de revenus, les sans-papiers, les licenciés preneurs d’otage, les travailleurs forcés, les volcans fraîchement réveillés à se rencontrer, à discuter dans les queues des CAF, des Pôle Emploi, dans la rue, partout. Déjà à Rennes, Brest, Paris, Montreuil, Tours, et dans d’autres villes, des précaires et chômeur s’organisent ainsi que des collectifs… Le 3 mai, la grève des chômeurs commence. »

Si, juridiquement, le terme de « grève » pour les chômeurs n’a aucun sens, il s’agit certainement d’employer un terme fort indiquant un ras-le-bol et une volonté de se regrouper, de se mobiliser, et de s’exprimer. Le terme « chômeur » n’est pas non plus exhaustif, puisque il contient également (entre autres) tous les intérimaires, les travailleurs et retraités précaires, les étudiants, et les stagiaires.

L’appel à la « grève des chômeurs » est donc lancé pour commencer le lundi 3 mai.

Camille Pantano, jeune diplômée (BAC+5) en « Communication et gestion de projet culturel » et chômeuse, témoigne

Camille Pantano est une jeune diplômée de l’IEP de Lyon, elle a bac +5, elle voudrait travailler dans le secteur culturel et fait de la veille informationnelle dans ce sens depuis des années, et elle est demandeuse d’emploi depuis le mois d’octobre.

Elle regardait l’émission hier soir quand le direct a été perturbé, et si elle est d’accord avec les intervenants-surprises sur le fond, elle en regrette la forme : « J’ai trouvé le « happening » un peu ridicule. Entre Durand qui, au lieu, de raccourcir leur passage, a fait durer le truc une heure en les interrompant sans cesse, et le texte que j’ai trouvé un peu bateau… Et puis les chômeurs étaient un peu trop des caricatures de chômeurs « intello de gauche » dans leur look. Les chômeurs ne sont pas un groupe homogène, j’en sais quelque chose ! »

Elle rejoint leur discours sur la manière dont sont traités les chômeurs dans les Pôle Emploi : « On prend les chômeurs pour des bons à rien, mais c’est faux. Je veux me lever le matin et aller écrire des communiqués de presse, relancer des clients ou des partenaires, préparer des présentations et monter des projets… »

Si ce que lui propose le Pôle Emploi ne la satisfait pas, elle reste désabusée devant les petites annonces qu’elle trouve : « Je suis surtout désespérée par un grand nombre d’offres qui ne laissent aucune chance aux jeunes diplômés. J’ai une formation très généraliste, et j’ai l’impression que c’est plus handicapant qu’autre chose en ce moment. Les études que j’ai suivies m’ont appris à savoir une base de choses dans plusieurs domaines différents. Je ne suis donc pas spécialisée et ça me fait de plus en plus flipper. » Et elle s’agace devant le comportement des employeurs en entretien en soulignant leur incohérence : « J’ai l’impression que les recruteurs se prennent pour des dieux et que je suis bonne à rien parce que je ne suis pas une pro de ça ou de ça. On me demande de savoir des tas de trucs qu’on apprend logiquement quand on bosse. »

Si elle espère trouver un emploi avant l’été pour se sentir « utile », elle compte participer à « cette grève symbolique » le 3 mai  pour « mettre [sa] situation sur le devant de la scène » si une manifestation est organisée à Lyon.

Patricia L. s’interroge sur le terme « grève »…

Patricia L. a un bac L et une licence de psychologie. Elle cumule les CDD, ce qui veut dire qu’entre deux contrats, elle connaît des périodes de chômage plus ou moins longues. Elle connaît donc bien les situations de chaque côté de la barrière.

Elle s’interroge en tout cas sur le bien-fondé du terme « grève » dans l’actualité : « Les grèves sont vues par un certain nombre de personnes (peut-être grandissant) comme une sorte de lamentation de groupe, de plainte stérile, de victimisation publique et non comme la descente dans la rue d’une énergie solidaire pour un combat social, le début d’une lutte pour des revendications légitimes. » Et de poursuivre : « Disons que déjà que le concept de grève a beaucoup perdu de sa superbe (trop de grèves SNCF bordéliques pour pas grand-chose et climat ambiant travail-famille-patrie), alors une grève de personnes qui ne travaillent pas, dans ce contexte, aura peut-être tendance à irriter ou amuser plus qu’autre chose. Et surtout à laisser indifférent. »

… regrette les stéréotypes associés aux chômeurs…

Les stéréotypes véhiculés et associés aux chômeurs sont légion, et Patricia semble en avoir souffert : « Ils peuvent être considérés par ceux qui travaillent non pas comme des victimes d’un système mais plutôt comme des privilégiés-payés-à-rien-faire-qui-ne-veulent-pas-vraiment-travailler-parce-que-faut-arrêter-du-travail-y-en-a. »

Elle regrette d’avoir à se battre pour prouver sa bonne foi aux travailleurs en plus de la lutte pour trouver un emploi : « Les personnes qui ne bossent pas sont très mal considérées, quelles que soient leurs qualifications, quelle que soit leur attitude face à leur situation. Il faut sans cesse prouver, même si l’on passe la journée à faire des CV, des lettres de motivation, des relances au téléphone etc…, à tout le monde, tout le temps, que non, on n’est pas un boulet de la société qui reste greffé sur son canapé devant la télé/la PS/un bédo, attendant mollement que les allocations tombent. »

… et propose des solutions.

Patricia ne descendra pas dans la rue le 3 mai, mais peut « comprendre que certains aient besoin d’extérioriser ainsi leurs inquiétudes, leurs colères, leurs incompréhensions » parce que « on peut très bien être une personne qui a envie de bosser, qui se lève tôt tous les matins pour décrocher un job, qui a des compétences, et ressentir en même temps, une fois, le besoin de descendre dans la rue et manifester, de souligner au moyen d’une action collective le sentiment d’une certaine injustice, attirer l’attention sur un problème de société… »

Elle ne s’arrête pas là dans sa réflexion qui insiste aussi sur les effets néfastes du chômage sur le demandeur d’emploi le plus motivé : « Le chômage, pour les personnes un minimum consciencieuses et motivées (sans doute la majorité), est quand même très destructeur au plan social (on emploie quand même le terme de « réinsertion », comme pour les ex-détenus). »

Elle propose dont une solution – qui en plus d’être d’utilité publique, pourrait créer des dizaines d’emplois : « Ce qu’il faudrait, ce n’est pas tant une manif’ de printemps, mais un vrai grand plan marketing pour transformer l’image du demandeur d’emploi parce que là, il y aurait du boulot. »

Ingrid Dumont ne fera pas grève et développe son réseau

Ingrid Dumont ne se présente pas comme chômeuse ou comme demandeuse d’emploi mais comme « offreuse de compétences (filière RH) ». Une attitude positive dont elle fait une philosophie : « D’une situation subie j’en fais une situation où je crée de l’activité. »

Elle choisit donc d’aller de l’avant pour ne pas se laisser aller, de mettre de côté les soucis et de rester active pour montrer une image positive à d’éventuels employeurs : « Certes pour le moment je ne suis pas rémunérée pour les actions que je mène mais je suis vue comme quelqu’un qui va de l’avant et qui ne se lamente pas sur son canapé devant sa télé. Je démontre mes compétences. » Les stéréotypes ont décidément la vie dure… Mais le plus important pour Ingrid, c’est de développer son réseau, indispensable à toute recherche d’emploi : « Pour le moment pas de contrat, mais un réseau qui se développe avec une image positive. »

La grève des chômeurs ? Elle n’est « ni pour ni contre » mais « laisse ça aux autres ». Elle en profite donc pour développer son réseau et pour monter des projets, dont le site internet « Changement de cap » créé avec des amis sur la reconversion professionnelle.

Et d’ailleurs, sa fibre RH ne la lâche pas une seconde, même en période de chômage : « Il ne faut pas oublier que si on recherche un emploi il ne faut pas se coller une image de revendicateur gréviste… Ca ne va pas aider à faire avancer notre problématique : trouver un job ! »

En tant que rédaction qui s’adresse aux étudiants, aux stagiaires, et aux jeunes diplômés, nous sommes solidaires de cette « grève des chômeurs ».

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