Boom des universités en Ethiopie
C’est assez étonnant pour le souligner: l’Ethiopie, l’un des pays les plus pauvres d’Afrique, consacre 27 % de son budget à l’éducation. En quelques années, ce sont notamment plus de 40 universités qui ont été construites. Comme à Debark, dans le nord du pays, où une université de 1500 étudiants a vu le jour cette année. Le campus est un peu poussiéreux, mais est censé accueillir 10 000 étudiants dans quelques années. Et le programme des cours dispensés est très vaste: agriculture, économie, sciences sociales ou encore tourisme. En moins de quinze mois, un véritable petit village est sorti de terre. 22 bâtiments ont été construits, pour des travaux d’un montant total de 17 millions d’euros. Le site s’inscrit d’ailleurs dans un projet d’envergure, qui consiste à faire de l’Ethiopie l’un des pays africains leader en matière d’éducation. Cette priorité donnée à la formation a débouché sur une multiplication des structures d’enseignement supérieur. En 1990, le pays comptait seulement deux universités, pour 44 à l’heure actuelle.
Une évolution en trompe l’oeil
Une frénésie éducative qui masque cependant quelques disparités. Sur les 27 % du budget éthiopien consacré à l’éducation, une grande partie est alloué à l’enseignement supérieur, fort de ses 780 000 étudiants de premier cycle universitaire. Mais la scolarisation primaire et secondaire n’est pas ou peu universelle, faute de moyens. Et si sur le papier, l’Ethiopie apparaît comme l’un des pays africains où le taux de scolarisation est le plus fort, c’est sans doute car le gouvernement fournit lui même ses statistiques aux organismes internationaux.
L’initiative prise par le gouvernement Ethiopien sur l’enseignement supérieur est donc à prendre avec des pincettes. D’ailleurs, pour Paul O’Keeffe, chercheur à l’université de Genève, le terme « université » est inadapté pour qualifiés ces établissements qui poussent comme des champignons. « Ce sont des carcasses de bâtiments mal dotées en ressources, avec un personnel insuffisant, souvent construites de manière désordonnée », résume-t-il.
Tensions au sein des facs
Ces universités manquent également de matériel éducatif, de laboratoires et même de livres. Selon Jejaw Demamu Mebrat, président de l’université de Debark « c’est un défi d’avoir un enseignement de qualité en Ethiopie ». La crainte d’un enseignement médiocre est donc bien présente, renforcée par le faible niveau des professeurs, souvent pointés du doigt. Autre inquiétude plus grave encore: que le territoire des universités devienne le théâtre des affrontements ethniques qui agitent toujours le pays. Ces derniers mois d’ailleurs, certaines universités ont été animées par des tensions. L’armée a même été déployée sur plusieurs campus. Enfin, certains craignent que la multiplication des lieux d’enseignement permette au pouvoir en place de renforcer leur contrôle sur la jeunesse du pays. Une limitation de la réflexion critique est parfois évoquée, à travers notamment une volonté de limiter le pourcentage d’étudiants dans les filières de sciences humaines et sociales à 30 %. Ce qui fait dire à Paul O’Keeffe que l’enseignement supérieur en Ethiopie a été totalement « politisé ».
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