Quai des rimes

Prévert est un poète maudit. Maudit par quelques milliers de têtes de linottes écervelées qui ont bredouillé, ânonné, écorché sa prose légère durant d'interminables heures académiques de poésie scolaire et stérile. Il est grand temps de réviser nos classiques et notre jugement et en rang, comme les enfants pas sages que nous sommes devenus, faire la queue devant l'Hôtel de Ville afin de voir la rétrospective qui est consacrée à cet artiste majeur.

Infiniment plus qu'un poète d'école, Jacques Prévert est un artiste complet qui, de ses fameuses œuvres littéraires à ses collages méconnus, participa activement à l'effervescence culturelle parisienne, des années 30 aux années 70. Paris la belle, exposition gratuite à l'Hôtel de Ville revient sur les affinités du poète avec la capitale.  En se baladant nonchalamment dans l'univers de Jacques Prévert, nous retrouvons ses Paroles sublimes aux murs ou sur des bouts de papier, des photographies de sa jeunesse et de Saint-Germain des Prés, des extraits de films mémorables dont il a écrit les scénarios comme Quai des Brumes ou Les Enfants du Paradis. Il y a aussi des clichés du Groupe Octobre, troupe de théâtre engagée jouant dans la rue et les usines et pour laquelle Prévert pondit des pièces contestataires. Plus loin, des portraits photographiques pris par les plus grands, Brassaï, Doisneau, Ronis etc. nous montrent le poète toujours en vadrouille dans les rues parisiennes. Injustement ignorés, les collages de Jacques Prévert regorgent de fantaisie onirique directement inspirée de ses amitiés surréalistes (Breton, Ernst). Farfelues et corrosives, ces images osent montrer deux prêtres qui se câlinent en douce, un Christ crucifié sur les pales du Moulin Rouge, des gargouilles à tête de clown ou encore un poulet aussi géant que déplumé devant l'Arc de Triomphe, images où anticléricalisme et antinationalisme se côtoient allégrement.
On retrouve cet humour offensif et bienvenu dans les pages de son agenda, où il griffonne en guise de  planning  » Battre Janine. Fesser Michèle. Boire un verre. Faire autocritique.  » Mais, fil d'Ariane de ce fatras de génie, cette égérie superbe aux ruelles étroites montmartroises, cette icône glacée aux Champs-Élysées gigantesques, Paris la Belle lui offre le plus beau des écrins pour une faune à observer, à conter, à égratigner…avec tendresse et férocité.

Exposition Jacques Prévert, Paris la belle, Jusqu'au au 28 février 2009 à Hôtel de Ville, Salle St-Jean, 5 rue Lobau 75004 Paris. Entrée gratuite.


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