ITV: Le Peuple de l’Herbe, au Naturel

Formé depuis plus de dix ans, le Peuple de l’Herbe reste inclassable. Virevoltant entre un son électro et hip-hop, ces Lyonnais ont toujours autant de choses à dire. Pour la sortie de leur dernier album Tilt le 16 novembre, le trompettiste N’Zeng revient sur leurs débuts, leurs cultures et leurs aspirations. Sans langue de bois, le Peuple de l’Herbe se livre au naturel.  

 

N’Zeng, tu n’étais pas présent au départ du groupe, comment as-tu intégré le Peuple de l’Herbe?
On travaillait dans le même local de répétition. A l’époque, ils faisaient des soirées de mix dans un bar lyonnais. Ils m’ont invité un coup et voyant que ça se passait bien, que c’était assez original, on a commencé à collaborer. Puis pour produire en live, ils se sont sentis un peu à l’étroit de faire que des machines donc ils m’ont proposé, ainsi qu’au batteur, d’intégrer le groupe pour voir ce que ça donnerait.

 

 

Tu as apporté un côté plus musical à Dj Pee et à Dj Stani, les deux fondateurs du groupe…
Oui, c’est un peu ça. Eux ont le côté machine avec beaucoup de bidouillages, des samples…Moi j’ai apporté un petit truc plus musical et surprenant aussi car à l’époque, la trompette sur de l’électro c’était assez rare (rires). Eux par contre, apportent une autre approche qu’on n’a pas forcément en tant que musicien. Tout ça fait une composition plutôt intéressante. 

 

Comment un trompettiste, un batteur, un bassiste et deux dj’s arrivent à trouver un style commun? 
Je crois que le fait que l’on touche tous aux machines a été le point commun qu’on avait. A l’époque, on mixait tous. Comme ce n’était pas le solfège, le mix fut une sorte d’endroit où on pouvait se retrouver tous, un peu notre langage commun.  Ce qui nous a unit aussi, c’est notre discographie très large. On est tous très exhaustifs dans nos goûts et nos univers musicaux. On écoute beaucoup de choses différentes. Naturellement, on s’est orienté vers un panorama musical assez large. Ca a donné des choses pas forcément calculées et au final, on a trouvé notre son, notre façon de faire des morceaux. Je pense que c’est cet assemblage un peu inédit qui nous définit le mieux. 

 

On s’acharne à vous collez une étiquette mais aucune ne convient vraiment au Peuple de l’herbe. Inclassable, ça te va comme style?  
Bien sûr. Je ne pense pas que le Peuple de l’herbe appartienne vraiment à un mouvement particulier. On a une façon de fonctionner plutôt électro mais sans être dancefloor. Ca nous arrange plutôt d’être sans étiquette parce que ça nous évite d’être affilié à un mouvement et à une mode qui, de fait, est amenée à disparaître…

 

Est-ce important d’avoir son propre label aujourd’hui? 
Pour les deux premiers albums, on avait notre propre label. Ca nous a permis d’accumuler un peu d’argent qu’on a investi dans un studio qu’on a construit et aménagé. Maintenant, on dispose d’un lieu de travail vraiment intéressant. Donc en fait, on n’a pas vraiment développer un label, on a monté des infrastructures. Aujourd’hui, notre nouvel album est totalement autoproduit. Vu qu’on était équipés pour enregistrer, ça nous a mis dans une situation d’indépendance encore plus importante.  

 

Vous avez fait pas mal de bruit autour de votre nom, de la pochette de cd avec un chien tenant une feuille de cannabis, est-ce un message à faire passer?
Aujourd’hui, il y a pas mal de choses qui ont pris le pas sur le débat de la dépénalisation. On essaye de s’attacher à des choses d’ordre beaucoup plus social et politique. La consommation de cannabis reste de l’ordre de la vie privée. Après notre point de vue reste toujours le même.

 

Mais à l’époque, ce n’était que de la provoc?
Il y avait bien sûr un côté provoc mais aussi une position qu’on tenait à affirmer. Mais de toute façon, baser notre délire juste sur cette idée pour nos cinq albums, ça aurait été vraiment moyen (rires). Dans le Peuple de l’Herbe, il y a « peuple » aussi. Donc on peut parler du peuple aussi, c’est sûrement plus intéressant… 

 

On veut faire « tilter » les gens!


La pochette est très stylisée, comment a-t-elle été créée?
On a travaillé avec un dessinateur lyonnais, Derkomisar, très inspiré des BD. Nous aussi, on a toujours été très marqué par l’univers de la BD. Puis la fourmi, c’est aussi un rappel de notre premier titre qui a pas mal tourné.

 

Pourquoi avoir choisi « tilt » comme titre de l’album?
L’album d’avant était vraiment un concept avec un ton un peu plus grave. Là, c’est un message peut-être plus simple. Ce n’est plus possible de laisser faire sans réagir. « Tilt », c’est un appel: On se bouge et on va se battre tout en gardant le sourire. Il y a aussi un côté faire la fête, faire « tilter » le gens quoi (rires).

 

Vous sentez-vous un rôle de porte-parole de la jeunesse par rapport au monde d’aujourd’hui?
Porte-parole, non. Normalement, il y a des gens dont c’est le métier. Ce sont les politiques mais bon, a priori ils ne le font pas… Mais ce serait démagogique de dire qu’on est porte-parole. Simplement, on fait des constatations. Ce qu’on dit nous, c’est que la jeunesse est fortement décalée par rapport aux équipes dirigeantes de ce pays. Il y a un vrai manque de confiance, la jeunesse est…oubliée quoi. Nous, on se place plus dans la position du commentateur. On se dit aussi qu’on peut  un peu éveiller les consciences. Mais toutes nos chansons n’ont pas forcément de paroles donc on essaye également d’avoir des propos plus légers.  

 

On se souvient de votre tribune publiée en 2006 dans l’Humanité qui défendait le droit au téléchargement de la musique, quel est ton point de vue aujourd’hui? 
C’est encore histoire de faire du populisme. Pour nous Internet c’est un grand espace de liberté, d’échange. C’est un droit que chaque citoyen peut utiliser. Après c’est sûr, on a perdu des ventes. Mais en même temps, ça nous permet de se faire plus connaître. Puis ça me paraît très hypocrite de taper sur les consommateurs lorsque les opérateurs proposent des abonnements haut-débit. Une connexion de 20 Mega, ce n’est pas pour envoyer des mails. Le petit bémol c’est que ce sont surtout les petits artistes et les labels moins importants qui galèrent le plus face à Internet. 

 

 

 


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