Deadline : douze artistes la mort dans l’art

L’annonce définitive d’une mort prochaine transfigure t-elle la manière de créer ? Le Musée d’Art Moderne de Paris soutient cette hypothèse, exposant douze artistes dont un verdict médical change les horizons. Une épée de Damoclès qui catalyse l’énergie créatrice.

Martin Kippenberg se peint en naufragé, en référence au Radeau de la Méduse de Géricault. A l’imprécision des ombres, aléatoires, des traits, inachevés, des corps, à l’abandon, s’opposent l’aigreur des chairs, violentées, arborant de vives couleurs.
Absalon (surnom de l’artiste israëlien Eshel Meir), reclus dans les espaces à la blancheur clinique qui furent ses créations-habitacles, hurle à en perdre la voix.
L’abstraction lyrique de Hans Hartung devient plus lyrique, le peintre osant l’exaltation chromatique et les grands formats.
James Lee Byars se construit un tombeau d’or, rejoignant par cette image d’Epinal l’idée de perfection sereine développé par les égyptiens de l’Antiquité.
Félix Gonzales-Torres photographie en noir et blanc un ciel sans nuage que viennent émailler quelques noirs volatiles. Parfois, le ciel est vide, indistinct. Le néant.
Joan Mitchell laisse le blanc envahir de plus en plus ses compositions énergiques, aux couleurs pures.
Robert Mapplethorpe s’assagit et, au lieu d’obscénités, photographie la statuaire grecque et les crânes, remplaçant la chair, trop fugace, par la pérennité de la pierre.
Chen Zhen met en exergue la fragilité du corps humain, confectionnant de précieux organes en verre et en cire.
Les animaux de Gilles Aillaud, autrefois en captivité, sont désormais lointains, à l’air libre, perdus.
Les formes de Willem de Kooning s’adoucissent, les couleurs deviennent pastels.
Hannah Villiger exhibe de manière parcellaire son corps décharné, qui s’étale sur des tirages de polaroïds démesurément agrandis.
Jorg Immendorf convoque le bestiaire de la Renaissance en collages absurdes au sein desquels squelettes, cavaliers de l’enfer et écorchés se rencontrent le temps de saturer l’espace d’une toile.

L’exposition, parfaitement accrochée, manque toutefois de points de repère. Il eut été pertinent de mettre en regard d’anciens travaux des artistes. En effet, si dans certaines œuvres la mort est prééminente, dans d’autres, elle est absente visuellement et figurée par un changement stylistique, difficilement décelable si l’on ne connait pas les travaux antérieurs de l’artiste. Cependant, la problématique soulevée par le Musée d’Art Moderne (la mort imminente, loin d’être inhibante, motive t-elle le dépassement de soi et est-elle un catalyseur de la création ?) est fort pertinente et mérite que l’on y réfléchisse.
Des œuvres, transparaît ce que l’homme a de plus touchant : sa vulnérabilité.
Quand l’art se fait l’écho de la fragilité humaine…

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Deadline
Jusqu’au 10 janvier 2010
Musée d’Art Moderne de la ville de Paris
11, avenue du Président Wilson, 75016 Paris
Ouvert du mardi au dimanche de 10h à 18h (nocturne le jeudi jusqu’à 22h)
Demi-tarif : 4.50 euros (moins de 26 ans)

Crédits photo : Performance pour le vernissage The Death of James Lee Byars à la Galerie Marie-Puck Broodthaers, 1994, Photographie Marie-Puck Broodthaers, © Estate of James Lee Byars


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