« The Limits of Control »: le film somnambule

Le dernier film de Jim Jarmusch fait louche : dans un monde cotonneux, de rocambolesques personnages sans nom tissent un polar sans action qui se déroule comme en rêve. Un film funambule, qui avance doucement sur un fil ténu…

« Les meilleurs films sont ceux qui sont comme des rêves, ceux dont on se demande si on les a fait » déclame calmement un des personnages.
Citation circonstancielle puisque le film de Jim Jarmusch est un rêve.

Un homme peu loquace et circonspect, part en mission secrète à travers l’Espagne. Sur sa route, long fleuve tranquille, il rencontre divers personnages qui sont autant d’hommages stéréotypés au polar noir des années 60. Il écoute sans mot dire leurs divagations métaphysiques qui jamais ne manquent de justesse et de poésie. « Chacun de nous est un ensemble de molécules qui tourne dans l’extase ». Exprimés en japonais, en créole, en anglais, en espagnol, au sujet de la musique, des sciences, de l’art, ces aphorismes sont aussi faussement absurdes que ceux que l’on fait en songe…
L’homme solitaire va souvent au musée contempler des toiles. Mystérieusement, l’épisode qui suit a toujours un rapport direct avec l’objet de la peinture, comme si c’était le regard du personnage qui créait les évènements…
Dans une atmosphère ouatée, la musique plane et la narration se déroule selon une logique onirique: répétitions des gestes et des phrases, personnages de connivence autour d’un but peu évident, mises en abyme.

L’homme solitaire est un anti-gangster (pas de sexe, pas d’armes) qui évolue dans un anti-film d’espion (pas d’action, pas d’intrigue, pas de violence). Reposant.
Et puisqu’il n’y a plus la vile intrigue, celle qui toujours attire l’attention à elle, l’on peut se concentrer et se laisser emporter par la poésie des menus détails de l’aventure sans but. Ici, c’est un imper en mouvement ou la candeur d’un matin madrilène, là un geste au ralenti. C’est le détail qui vit, qui nous réapprend ce qui est signifiant.

« Rien n’est vrai. Tout est imaginaire. »
Les détails sont signifiants car tout est subjectif, rien n’existe en dehors de cette absolue subjectivité. La réalité est un concept erroné . Et quand « les limites du contrôle » que l’homme a sur son propre imaginaire sont dépassées, il recommence à rêver.

Puis, puisque fin il doit y avoir, l’homme solitaire retourne au musée. Il s’arrête devant un monochrome sur lequel est tendue une toile, blanche. Prête à accueillir toutes les projections imaginaires.

[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=ARW_2kWktto[/youtube]

The Limits of control
De Jim Jarmusch
Avec Isaach de Bankolé Gael Garcia Bernal, Bill Murray
1h46


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