Joss Stone – Colour Me Free

Joss Stone, c’est une gosse qui est censée être le petit prodige de la soul britannique depuis qu’avec son premier album (The Soul Session, 2002), elle a foutu le public sur le cul et les producteurs dans sa poche à seulement 16 ans. Et du coup, maintenant, à chaque nouvelle sortie, tout le monde l’attend au tournant. Ca fait partie du jeu, et c’est ce qui explique que je me retrouve derrière mon clavier à chroniquer « Colour Me Free », et que vous vous retrouvez derrière votre écran à me lire pour savoir ce qu’il vaut.

Alors, tant qu’à faire, et puisque je vous ai sous la main, autant vous faire mijoter un peu avant de rendre un verdict définitif, une bonne chronique c’est comme un bon morceau de soul, ça prend son temps… Vous n’êtes pas pressés, non ? Si c’est le cas, sautez les préliminaires et passez direct au dernier paragraphe. Les autres, je vous prends par la main et je vous emmène en balade pour une petite visite guidée.

Le premier single de l’album est aussi le titre qui l’ouvre ; c’est cool, ça m’évite d’avoir à ma demander bien longtemps par où je vais commencer. Bon morceau d’introduction, Free Me a quelque chose d’un diabolo menthe consommé à la terrasse d’un café en plein milieu de l’été (paradoxal, pour un album qui sort en hiver) : c’est pétillant, c’est rafraîchissant et ça ne monte pas trop à la tête. Mais surtout, avec ses sonorités funk sympa, il fait une promesse musicale : celle d’un enregistrement à l’ancienne et pas prise de tête.

La gosse Stone a été enregistrer son album en secret, sans que sa maison de disques le sache, pour éviter qu’ils viennent mettre leur grain de sel dans son travail. Et ça paye : à l’exception de « Could Have Been You », qui a un petit côté RnB de pétasse (très dans la mouvance de ce qui se fait actuellement dans le milieu, pas si horrible mais quand même un peu… dommage Joss, tu vaux mieux que ça), on est face à un album de soul contemporain pas surproduit pour deux sous. Et, mine de rien, ça fait franchement du bien de se rendre compte qu’il y a encore des gens qui savent faire un album propre sans pour autant qu’il pue la javel et l’eau chlorée.

Ce qui est sympa chez Joss Stone, c’est qu’elle est jeune, mais qu’elle se rend bien compte que s’il y a des leçons qui valent la peine d’être retenue en matière de soul, c’est chez les vieux de la vieille qu’il faut aller les chercher. C’est la jeunesse humble, qui retient ce qu’elle a à savoir et qui met à profit pour faire sa propre tambouille.

Y a qu’à s’écouter la ballade soul vintage ultra-classieuse « 4 and 20 » pour se rendre compte du potentiel 60’s de Stone, et puis enchaîner avec « Governmentalist » (en duo avec un Nas très en forme, comme au bon vieux temps), très contemporain, légèrement teinté de reggae, pour comprendre le savoureux paradoxe qui entoure Joss Stone : c’est tantôt une jeunette qui rend hommage aux sages, tantôt une sage qui fait de la musique jeune. Dans les deux cas, c’est du grand art sans grands débordements.

Dommage, donc que ces deux perles ne soient pas plus représentatives que ça de l’album… Parce que si la Pimprenelle de la neo-soul sait s’entourer (Raphael Saadiq, Nas, Sheila E., le saxophoniste David Sanborn et le guitariste Jeff Beck sont au programme des featurings) et choisir ses reprises avec soin (le blues jazzy I Believe It To My Soul, de Ray Charles, et You Got The Love, un tube des années 90), il manque trop souvent à ses compos ce petit truc en plus qui fait la différence.

C’est triste à dire, mais la vérité, c’est que Joss Stone est jeune, et que, si elle veut bien faire et qu’elle y arrive la plupart du temps, elle manque encore méchamment de personnalité. Colour Me Free est parfois franchement chiant (cf. ses deux derniers morceaux, qu’on ne citera même pas), parfois vraiment excellent (Governmentalist, Lady, 4 And 20), mais, malgré son sticker « Parental Advisory », il n’est pas plus excitant que ça. Un bon album, sans plus, qui s’écoute et qui s’oublie. Ceci dit, la môme est prometteuse, elle a une putain de voix et des bonnes influences ; si elle continue dans cette voie-là, et que le temps la fait mûrir, je lui donne rendez-vous dans une dizaine d’années pour la critique la plus élogieuse de sa carrière. Promis.

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