Théâtre : Bent, l’horreur sur un plateau
Bent : l’horreur sur un plateau.
Berlin, années 30. Un couple homo, Max et Rudy, adeptes de soirées bien arrosées dans les cabarets branchés. Leur histoire prend un tournant tragique quand un SA qui fréquente le couple est assassiné par les SS durant la nuit des longs couteaux. Envoyés à Dachau, Rudy est froidement exécuté dans le train alors que Max parvient à se faire passer pour un juif et fait la rencontre de Horst, triangle rose. Ils se lient d’amitié, s’aiment et tentent de survivre au milieu de l’horreur.
La pièce que je connaissais déjà à travers le très beau film de Sean Mathias m’a particulièrement intéressé pour l’analyse qu’elle fait de la mécanique nazie.
Au delà de l’élimination pure et simple du sous-homme, l’idéologie nazie a cherché jusqu’où est possible la déshumanisation de l’être. La plus belle illustration (si j’ose dire) de cette idée est la scène dans Bent où Max et Horst sont contraints de déplacer un tas de pierre pour le re-déplacer à l’endroit initial et ainsi de suite : une expérience du non-sens comme moyen d’abrutissement.
Cette scène, importante dans la pièce, est peut être la plus marquante. Elle a été très bien retranscrite par Anne Barthel qui signe la mise en scène. Voir ces deux bonshommes qui transportent des cailloux pour rien et qui perdent peu à peu la raison, est dramatique dans les deux sens du terme. Que reste t-il ? Le suicide ou la lutte, même minime, pour vivre. Des poètes ont écrit dans les camps, d’autres se sont évadés ou se sont sacrifiés. Dans un univers organisé de manière à vaincre toute pensée, toute émotion, toute croyance, survivent encore des actes de résistances. Leur résistance à eux c’est ce moment inimaginable où sans se toucher, sans se voir, sous les miradors, ils parviennent à faire l’amour. Deux hommes qui surpassent un instant les milliers de kilomètres de barbelés, la boue, la gerbe, les coups et les chambres à gaz.
Michel Mora (Max) et Jean-Matthieu Erny (Horst) ont exprimé de manière très incarnée ce moment, avec beaucoup de sincérité et de pudeur. Le jeune Jean-Matthieu Erny est vraiment un comédien surprenant, en retenue, mais tout à fait investi. Il faut saluer aussi les prestations de Michel Mora et Valentin Terrer (Rudy), très justes. Avec peu ou pas de décors, des costumes simples ; la pièce émeut et malgré une distribution inégale et un début un peu long, on ne ressort pas indemne de la salle. S’ajoute à la tension entretenue tout le long de l’intrigue, un sentiment de dégout et de tristesse profonde contre lequel on ne peut rien et qui témoigne de l’efficacité de la mise en scène.
Reste à resserrer par endroit pour maintenir le rythme qui s’épuise parfois et la pièce, on le lui souhaite, aura le succès qu’elle mérite à Avignon cet été.
Bent de Martin SHERMAN, adaptation de Thierry LAVAT et Lena GRINDA. Mise en scène Anne BARTHEL, assistée de Franck DELAGE
Au THEATRE DU NORD OUEST jusqu’au 26 juin.
13 rue du Faubourg Montmartre Paris IX
Avec
Michel MORA
Jean Matthieu ERNY
Georges MATHIEU
Gérard CHEYLUS
Frédéric MOREL
Albert PILTZER
Philippe RENON
Franck DELAGE
Valentin TERRER
Réservations sur BilletReduc, Fnac et au Théâtre du Nord Ouest
« William et Kate: ce qui les attend maintenant !Ben Laden tué : la revanche des Etats-Unis »