MESDAMES, RETOURNEZ À VOS OUVRAGES DE BRODERIE !

Ennemi du pédantisme, l’auteur de Tartuffe règle ses comptes avec les petit(e)s érudit(e)s de salons dont certain(e)s ont pignon sur rue en cette seconde moitié du XVII° siècle. C’est le cas de Monsieur Cotin, aumônier du roi de son état, qui deviendra Trissotin dans l’avant dernière pièce de Molière, Les Femmes savantes. En reprenant un schéma actanciel traditionnel (un mariage rendu impossible par une mère tyrannique et un prétendant intéressé), Molière imagine une comédie en vers et en cinq actes moins farcesque et plus didactique que Les Précieuses ridicules.

La pièce s’ouvre avec des propos sur le mariage échangés entre les filles de Chrysale et Philaminte, Henriette et Armande. La première défend le mariage quand la seconde s’y oppose, le taxant de vulgaire dessein. C’est que Mademoiselle Armande, comme sa mère et sa tante Bélise, ne jurent que par le beau langage, le grec, la philosophie Et trait[e]nt de mépris les sens et la matière. C’est la raison pour laquelle on veut marier Henriette à Trissotin (trois fois sot), un jeune littérateur arrogant à la prose médiocre. En témoignent ces vers de son cru, laissés à la libre interprétation de chacun : Ne dis plus qu’il est amarante / Dis plutôt qu’il est de ma rente. Henriette, pourtant moins instruite que les autres, en vomit son quatre heures.

L’opposé de Trissotin c’est Clitandre, vers qui vont les vœux d’Henriette. Un jeune homme raisonnable et galant qui tempère le radicalisme de Philaminte renvoyant froidement la servante Martine sous prétexte qu’elle employa un mot Qu’en termes décisifs condamne Vaugelas. Chrysale et son frère Ariste font figures de pendant au club des savantes et entendent bien renvoyer les femmes à leurs cuisines. Cependant Chrysale, soumis à se femme, n’ose contredire la matrone. C’est à la fin de la pièce, grâce à l’intervention spontanée de Martine (La poule ne doit point chanter devant le coq) et au truchement d’Ariste ; qu’il s’impose tant bien que mal comme chef de famille.

Finalement la pièce de Molière n’est ni en faveur des hommes, ni des femmes. C’est un pamphlet plaisant contre les travers de l’humanité qui nous montre par là comme il ne faut point vivre. Et pour le théâtre classique la règle des règles n’est-elle pas d’Instruire et de Plaire ?

Bruno Bayen signe une mise en scène originale bien que parfois peut être un peu pataude, quand la farce prend le dessus sur le sujet de la pièce. Thierry Hancisse, sauf quand il oublie son texte ( !), est très drôle. Le texte justement est dit avec rigueur et il est très agréable d’entendre les vers dans leur intégralité. Il faut noter les prestations tout à fait justes de Bruno Raffaelli (dans le rôle d’Ariste) et de Pierre-Louis Calixte, en pathétique Trissotin à la perruque blonde. Enfin, Clotilde de Bayser nous offre une Philaminte snobe très moderne. Seule Boutaïna El-Fekkak (Armande) est à mon sens peu convaincante.

Il faut saluer la très belle scène entre Henriette et Trissotin (scène 1 acte V), à cheval entre comédie et tragédie et qui renvoie bien à la complexité de la pièce.

Le décor sans prétentions de Michel Millecamps fait ingénieusement allusion à une salle de classe avec ses bureaux et ses livres multicolores. Mais je n’explique pas la présence d’une chaise sur le proscenium qui tout le long d’une scène gène considérablement les spectateurs des premiers rangs, est ce un pari scénographique ?

Les Femmes savantes au Théâtre du Vieux-Colombier,

21 rue du Vieux-Colombier, Paris VI° Metro Saint-Sulpice

Du 23 septembre 2010 au 07 novembre 2010

Du mercredi au samedi à 20h, 16h les dimanches et 19h les mardis

Réservation sur le site de la Comédie-Française

http://www.comedie-francaise.fr/spectacle-comedie-francaise.php?spid=227&id=516

Paul Seil


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