[INTERVIEW DJAMILA – ALGERIE] SafirLab 2016 : Quand 20 jeunes issus du monde arabe parlent de leur projet impulsé dans leur pays

Propos recueillis par Latifa El Houari.
Du 30 octobre au 13 novembre, se tenait le cinquième rendez-vous du SafirLab, un laboratoire d’échange d’expérience ayant permis à une vingtaine de jeunes âgés entre 20 et 30 ans, et issus des pays du monde arabe, porteurs de différents projets, de partager leur expérience. Initiée par l’Institut français et le CFI, l’Agence française de coopération médias, c’est en 2012 qu’est lancée la première édition du projet SafirLab. Durant une semaine, 20 projets, sélectionnés parmi 250 dossiers provenant de 9 pays arabes : l’Égypte, la Jordanie, la Libye, le Maroc, la Tunisie, le Yémen, l’Algérie, le Liban et la Palestine, ont été présentés.
Planète Campus est allé à la rencontre de deux de ces jeunes : Djamila (Algérie) et Farah (Maroc).
Djamila Ould Khettab, 28 ans, est une journaliste multimédia franco-algérienne ayant co-fondé le premier web magazine féminin participatif algérien : Inty. Elle revient, pour nous, sur ce projet qu’elle a porté avec une autre journaliste franco-algérienne.
Quel est ton parcours Djamila ?
J’ai terminé mes études il y a, maintenant, 3 ans. Étant Franco-Algérienne, j’ai passé l’essentiel de ma vie en France. Quand j’ai fini mes études, j’ai décidé de partir en Algérie. Travailler dans le journalisme en Algérie était un projet que je m’étais promis de concrétiser depuis des années. Lorsque je suis arrivée en Algérie, j’ai tout d’abord commencé à aider au développement électronique d’un média algérien (algerie-focus.com). On était à une période où c’était les débuts du journalisme web en Algérie. Durant 2 ans, j’ai donc travaillé sur ce projet. Par la suite, je suis devenue freelance. Donc, j’ai travaillé pour de nombreux médias étrangers notamment anglophones mais je n’étais pas satisfaite au fond… J’avais besoin d’avoir un projet, MON projet. Et, je pense que le projet que je voulais mener à bien mûrissait déjà dans ma tête depuis longtemps. Avec les expériences, le terrain et les rencontres, s’est donc formée l’idée de créer Inty.
Justement, qu’est-ce que Inty ?
Inty est un magazine féminin. Notre particularité, c’est que l’on est présent uniquement sur le web et que l’on est un site participatif. Nous sommes le premier magazine participatif destiné aux femmes d’Algérie.
Derrière Inty, il n’y a pas qu’une équipe de journalistes professionnels. Il y a un groupe mixte avec des blogueurs, des influenceurs, des écrivains, etc. Notre motivation, c’est que Inty soit un magazine pratique qui ressemble à toutes les femmes. L’idée, c’est que toutes les femmes se reconnaissent dans Inty.
Quelles thématiques sont abordées dans Inty ?
On a des rubriques classiques de médias féminins (beauté, mode, etc.), tout en mettant l’accent sur des sujets de société puisque à la base, ce média a été lancé par deux journalistes (dont moi-même) franco-algériennes qui travaillaient surtout sur les questions de société. Dans la presse féminine qui existait avant Inty, les sujets de société étaient soit mal traités ou traités de manière superficielle. D’autres étaient tout simplement tabous. Par exemple, dans Inty, nous avons décidé de parler d’un nouveau phénomène qui se développe en Algérie : les collocations entre filles. Les femmes algériennes sont, en effet, plus éduquées que d’antan, et travaillent. L’on assiste a une évolution de la place de la femme dans la société algérienne. Le problème, c’est que ces collocations, cette forme d’indépendance de la femme ne passe pas encore auprès du voisinage, des propriétaires et des agences immobilières. Donc, dans Inty, nous avons fait le choix de traiter de ce décalage.
Justement, tu nous parlais de sujets tabous. Existe-t-il une forme de censure dans les médias algériens ?
Pour ce qui est de la télévision, oui un peu. En effet, c’est le média le plus populaire. En ce qui concerne les médias web, on vit, je pense, moins de censure que chez nos voisins maghrébins. Par exemple, il sera tout à fait possible de critiquer le gouvernement, ou encore se moquer du président sur des médias électroniques. On a cette chance d’avoir une liberté de ton. Mais ce qui est compliqué en Algérie, c’est de faire de l’investigation, de réaliser des enquêtes. Dénoncer pour dénoncer ne pose, en revanche, aucun problème.
Tu parlais de médias participatif. Comment trouvez-vous les contributeurs ?
Au début, on a repéré certains profils vers lesquels nous sommes, naturellement, allés (ex : des blogueurs). Et très rapidement, des étudiants se sont très vite proposés pour contribuer (ex : des étudiants en médecine qui contribuent à nourrir la rubrique santé). Pour le moment, leur participation au développement est purement du bénévolat,mais, in fine, nous souhaiterions structurer Inty et les récompenser. En attendant, nous les remercions en leur permettant de participer à des ateliers de formation où on aide, par exemple, les blogueurs à perfectionner certaines de leurs compétences.
Question qui n’est pas des moindres! Comment as-tu connu le SafirLab ? Et pourquoi y as-tu participé ?
C’est une amie journaliste qui m’en a parlé. J’ai donc décidé de me renseigner davantage sur ce que c’était en allant sur leur site. Je me suis dit que cette rencontre pouvait permettre de rencontrer des gens d’autres pays, s’enrichir de leur expérience et s’en inspirer.

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