Chômage : le travail forcé gratuit n’est pas la solution

Le Conseil départemental du Haut-Rhin a annoncé ce week-end un plan de lutte contre le chômage : conditionner le versement du RSA à 7 heures de travail hebdomadaire « bénévole » pour les chômeurs. Le but serait d’éviter le chômage de longue durée et de « remettre le pied à l’étrier » du monde du travail. S’il y aurait des objections à soulever par rapport à la légalité de la mesure (le principe d’égalité d’accès au service publique étant un principe du droit administratif fondamental), il y a en outre de nombreuses raisons de s’en inquiéter.

Une mesure dangereuse et irrespectueuse

La mesure porte un coup aux fondements même du système social français. En effet, le RSA (Revenu de Solidarité Active) est le revenu minimum assuré à toute personne qui, pour quelque raison que ce soit, ne peut ou ne veut exercer un emploi. Il s’agit du revenu que touche celles et ceux qui n’ont pas d’autre revenus, pas d’autre moyens de se nourrir. Le mot « solidarité » n’est pas pour rien dans son intitulé : le principe à la base de tout le système social en France, c’est que toute personne a le droit fondamental de pouvoir subvenir à ses besoins élémentaires quelques soient les risques auxquels elle est exposée. Ce principe de solidarité, c’est que toute personne devrait pouvoir se nourrir, se loger, se vêtir même en cas de grossesse, de chômage, de maladie, d’accident, etc. Le fait de conditionner le RSA à des heures de bénévolat obligatoire (joli paradoxe d’ailleurs) renverse complètement cette base : pour obtenir de quoi survivre, il faut le mériter. Le fait même d’accéder aux biens les plus nécessaires pour survivre devient un cadeau, quelque chose que la société vous concède dans un élan de générosité. Le droit de survivre devient une aumône conditionnée au bon vouloir des plus riches. C’est donc irrespectueux des personnes au RSA de leur demander de « mériter » aux yeux des mieux nantis ce qui est censé être un droit fondamental et qui constitue pour eux les conditions de leur survie.

Cette mesure est également dangereuse pour tous celles et ceux qui ne travaillent pas pour des raisons de santé, médicale ou psychologique. Certes, des exceptions ont été prévues par le Conseil Général. Mais les critères ne prennent jamais en comptent tous les paramètres : quid des mères célibataires qui devront payer une garde d’enfants pour gagner le même (faible) revenu qu’auparavant ? Des personnes dont les pathologies sont mal connues ? Le Royaume Uni a déjà mis en place une politique semblable, en décidant d’une liste de critères qu’il fallait remplir pour accéder à l’aide aux personnes handicapées ou malades. Désormais, l’administration juge si vous êtes assez malade pour ne pas travailler, et attribue les aides en fonction. La conséquence a un bilan de plusieurs milliers de décès qui ne cesse de s’alourdir.

Qui se paie le luxe d’être inefficace

De plus, on peut aussi sérieusement se questionner sur l’efficacité d’une telle mesure pour lutter contre le chômage. En effet, si la formation peut jouer un rôle dans le retour à l’emploi, et si un « trou » sur un CV peut être difficile à justifier en entretien, le problème reste le même : il n’existe pas assez d’emplois pour occuper toute la population française. Par conséquent, il y a forcément des gens au chômage, et les mesures de formation (comme celle annoncée par Hollande) ou de remise forcée au travail gratuitement des chômeurs ne sont que des pansements sur une jambe de bois. Le problème se situe au niveau des entreprises, qui, pour des raisons diverses notamment le manque de demande, n’embauchent pas. Rappelons qu’ATD Quart-Monde avait fait une expérimentation comparable dont le bilan n’a noté aucun progrès notable dans le retour à l’emploi des concernés.

Enfin, la logique de faire travailler des gens gratuitement pour lutter contre le fait que les entreprises ne souhaitent pas payer des salariés a de quoi laisser perplexe. En quoi rendre possible de faire travailler gratuitement encouragerait à payer pour le même travail ? Au contraire, cette mesure montre qu’il existe du travail qui existe et qui a besoin de gens pour être fait, mais que ni les entreprises ni les administrations ne veulent le payer. Cela risque de détruire des emplois plus que d’en créer.

Conditionner le RSA à des heures de travail forcé est donc à la fois dangereux et inefficace. Espérons donc que cette mesure ne soit pas légale, d’autant plus que les mots « travail gratuit et forcé » font quelque peu penser à de l’esclavage, ce qui n’est guère souhaitable non plus.


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