Guerre au Mali : quels sont les intérêts de la France ?

Depuis le 11 janvier 2013, l’armée française intervient aux côtés de l’armée malienne pour faire reculer, voire éradiquer les islamistes qui sèment la terreur dans le pays. Qu’est-ce qui a pu pousser François Hollande à engager les troupes dans un conflit qui ne concerne pas directement la France ? Si certains dénoncent le retour de la Françafrique, actions néo-coloniales (souvent teintées de magouilles) qui considère ses anciennes colonies comme chasse gardée, d’autres évoquent une intervention motivée par la préservation de ses intérêts économiques menacés dans la région.

Au premier plan : lutter contre le terrorisme international

Plusieurs éléments ont conduit à une intervention militaire française au Mali. D’abord, les groupes djihadistes qui tenaient le nord du pays s’étaient lancés dans la conquête du sud et réussissaient à mettre sous leur joug plusieurs villages jusqu’à gagner progressivement du terrain. Sans intervention militaire corsée des forces internationales, dont françaises, la ville de Sévaré où se trouve un aéroport international auraient pu tomber entre les mains des groupuscules armées qui n’auraient eu aucun mal ensuite à foncer sur Bamako, point de non retour. Le contrôle de cet aéroport par l’armée française a donc permis de faire reculer les djihadistes vers le nord et de détricoter leurs conquêtes. Dans le cas contraire, l’expansion de ces défenseurs d’un islam rigoriste, aurait pu avoir des conséquences dévastatrices pour la région, impactant également la sécurité internationale.

Ensuite, Dioncounda Traoré, président par intérim de la République malienne, a demandé personnellement à François Hollande une aide militaire pour arrêter l’avancée endiablée des extrémistes. Enfin, l’opération Serval a été préalablement légitimée par la résolution 2085 du Conseil de sécurité de l’ONU qui a estimé que la situation du pays constituait « une menace pour la paix et la sécurité internationales ».

Des intérêts économiques d’une moindre importance au Mali

« La France, elle n’a aucun intérêt au Mali, elle ne défend aucun intérêt économique au Mali, elle est au service de la paix », avait déclaré François Hollande lors de ses vœux à la presse en janvier dernier. Et pour cause, le Mali lui-même ne représente pas directement un enjeux de taille pour les intérêts économiques de l’Hexagone. La France n’est pas un investisseur d’envergure au Mali, elle occupe la 111e place, d’après les informations du ministère des Affaires Etrangères en 2010. Si les ressources minières sont nombreuses dans le pays (or, fer, bauxite, marbre, phosphate, uranium et pétrole), elles ne sont pas toutes exploitables ou durables. Les ressources pétrolières par exemple, chevauchent à la fois le nord du Mali, la Mauritanie et l’Algérie et n’ont jamais été exploitées du côté malien. L’or semble en revanche être son point fort, car le pays est le troisième producteur d’or en Afrique, suivant de près l’Afrique du Sud et le Ghana, mais il est exploité principalement par des entreprises anglo-saxonnes. Il est donc manifeste que le Mali ne représente pas le même intérêt en matière d’énergie comme a pu l’être la Libye en matière de pétrole, lorsque Nicolas Sarkozy a envoyé des troupes françaises pour aider les insurgés à faire tomber le colonel Kadhafi.

Protéger le Mali pour préserver l’uranium stratégique du Niger

Si les intérêts économiques au Mali ne sont pas importants, on ne peut en dire autant concernant le Niger où se trouvent d’importantes ressources en uranium qui ont amené le groupe français Areva, spécialisé dans le secteur du nucléaire, à s’installer dans le pays. L’industrie y est présente depuis quarante ans et extrait aujourd’hui plus du tiers de sa production des deux mines en activité qui lui permettent de fournir plus du tiers des centrales nucléaires EDF. Il s’agit bien là d’une zone stratégique pour les intérêts économiques de la France. Une progression des djihadistes pourrait mettre en péril la sécurité de la région et faire tomber ce métal très dangereux entre les mains des extrémistes tentés d’en tirer profit en alimentant le programme nucléaire des régimes dangereux et hostiles à la France ou à ses alliés. « Une déstabilisation du Mali, et du nord-Mali, impacte ou peut donc impacter les sources en approvisionnement en uranium de la France dans la région », a expliqué Areva. Les risques sont bien présents d’autant plus que le Niger a connu des conflits dus aux rebelles touaregs, mais ceux-ci utilisent pour l’instant le Mali comme terrain de chasse, car le Niger a choisi de miser sur une politique d’intégration qui a permis à Brigi Faffini, un Touareg de 59 ans (anciennement sous-préfet, ministre, vice président de l’Assemblée nationale et maire) d’accéder au poste de Premier ministre.

Protéger le Mali pour ne pas déstabiliser le Sahel

Depuis la découverte de richesses énergétiques comme le pétrole dans le Sahel, la région suscite une grande convoitise des pays alentour, mais également de groupes internationaux. Avec les menaces djihadistes qui planent sur le Mali situé en plein cœur de cette région, protéger le pays revient à lutter contre la prise de pouvoir des groupes armées qui cherchent à étendre leur influence également hors des frontières maliennes. Le Sahel n’est plus un simple territoire aride depuis que du pétrole en est extrait par le Tchad depuis 2003. En 2006, la Mauritanie, suivie du Niger en 2007, ont commencé à exploiter les ressources du sol pour produire eux aussi de l’or noir. Au-delà de cette ressource, la région regorge de richesses comme le fer et le cuivre en Mauritanie, le zircon et l’ilménite au Sénégal, le zinc au Burkina Faso etc. de véritables mines, au sens propre, qui représentent des contrats juteux. L’intervention de l’armée française peut être interprétée comme une tentative de réaffirmer son prestige et son influence dans une zone qui attire de nombreux pays comme ceux du Golf, le Canada ou encore la Chine dont la demande en matières premières est très forte.

S’il en va de la sécurité internationale pour éviter que la région sahélienne ne se transforme en camp d’entrainement djihadiste à l’image de l’Afghanistan, l’engagement militaire de la France au Mali n’est pas désintéressé. En déclarant que la France ne défend aucun intérêt économique dans le pays, le président François Hollande aurait dû être plus précis. Les intérêts français se trouvent surtout au Niger, mais pour continuer à exploiter son uranium tranquillement, il faut éviter une extension des foyers djihadistes dans les pays alentour, la paix étant une condition sine qua non à un business lucratif…

Photo AFP


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