Suisse : bientôt la fin des rémunérations abusives ?

Bien des Français, qui assistent impuissants aux exils fiscaux de leurs riches concitoyens, associent la Suisse au paradis des « pauvres » riches persécutés par les sbires du Fisc. Pourtant, l’eldorado des banquiers et autres manitous de la Finance, dont la réputation a été entachée en 2007 par la crise des subprimes, s’apprête à voter une loi « contre les rémunérations abusives ».

Le 3 mars prochain, les Suisses voteront pour ou contre l’abolition des hauts salaires, sous l’impulsion de Thomas Minder, un chef d’entreprise hors-norme qui se bat depuis une quinzaine d’année contre les rémunérations excessives des patrons, qui plus est lorsqu’elles jurent avec leurs performances. Un bel exercice de démocratie participative donc, qui pourrait se solder par une loi révolutionnaire en Suisse.

Quelle est l’ambition réelle de « l’initiative Minder » ? Elle veut plafonner les salaires des PDG des multinationales, moins dans une optique néo-marxiste de redistribution des richesses, que dans une optique de croissance. En assujettissant le niveau de rémunération des patrons à leurs performances, Thomas Minder espère sûrement booster les investissements. La proposition labellisée « Minder » donne notamment le pouvoir aux actionnaires – pas aux employés, il ne faut pas abuser ! – de fixer les salaires de leurs présidents et interdit les parachutes dorés. S’ils ne respectent pas les décisions prises par les assemblées générales, les patrons risquent des sanctions pénales pouvant aller jusqu’à trois ans de prison.

Une réelle avancée pour le pays des banquiers… Si la proposition de Minder est votée. Le Gouvernement fédéral y est pourtant opposé. Pourquoi ? Parce qu’une telle modification de la loi aurait, selon lui, un impact désastreux sur l’économie suisse qui reste l’une des plus compétitives au monde. Heureusement, – ou malheureusement, selon les scrutins – la Suisse fonctionne en partie sur le modèle de la démocratie participative. Et les derniers coups de sonde réalisés par la SSR (la Société Suisse de Radio) indiquent que 65% des citoyens suisses soutiennent l’initiative de Minder « contre les rémunérations abusives ».

Une rareté dans l’histoire des initiatives suisses, qui commence en 1891, puisque 90% des propositions soumises au peuple par cette voie ont été rejetées par le peuple. Les Suisses ont visiblement peur de la crise économique qui ébranle l’Europe depuis plus de cinq ans et privilégie la justice économique.

Photo : Thomas Minder (c) Alain Wicht.


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