Père à Nantes : le gouvernement compte-t-il se réveiller ?

Retranché au sommet d’une grue durant trois jours pour obtenir un droit de visite pour son fils, Serge Charnay, Nantais de 42 ans, est finalement descendu de son perchoir lundi 18 février. Si ce drôle d’oiseau a permis la tenue de tractations entre des associations de défense des droits des pères et le gouvernement, il a surtout promu les valeurs et les modes d’action du masculinisme, un mouvement « anti-féministe » particulièrement actif au Royaume-Uni et au Québec. Ce mercredi, une manifestation nationale, impulsée par l’association SVP Papa, se tiendra en Loire-Atlantique pour « dénoncer les dérives du pouvoir judiciaire » en matière de justice familiale… Quelle réponse apportera la ministre de la Justice aux revendications paternelles ?

En se hissant au sommet d’une grue et en s’y retranchant durant plusieurs jours, Serge Charnay, papa nantais séparé de son enfant par la Justice, a pu susciter non seulement l’intérêt des journalistes, avares de clichés spectaculaires, mais aussi celui des membres du gouvernement socialiste. M. Charnay est surtout parvenu à faire des émules parmi ses camarades du sexe fort.

Dimanche matin, un papa alsacien s’est ainsi retranché deux heures en haut d’une grue pour se plaindre d’être privé de tout contact avec son fils depuis trois ans. Même chose en Charente-Maritime, où un homme, lui aussi scandalisé par une décision de justice, a menacé de sauter du toit de son immeuble.

Que revendiquent ces pères de famille qui se sont vus arracher la leur par la Justice ? Ils manifestent leur « désespoir »… Mais pas seulement. « Malheureusement, la justice n’est pas impartiale, il suffit de prendre tous les chiffres sur les résidences et domiciliations des enfants, 80% des domiciliations sont remises aux mamans », a expliqué l’Alsacien, oubliant de mentionner qu’il reste poursuivi par son ex-femme pour violences conjugales et mauvais traitement.

Et la situation de M. Charnay, l’ultra-médiatique papa nantais, n’est guère plus reluisante. En septembre 2012, l’homme a été condamné à un an de prison, dont quatre mois ferme, pour avoir enlevé son fils. Ce-dernier – qui aurait probablement subi des violences – a été retrouvé en Ardèche deux mois et demi plus tard. La Justice française s’est-elle montée trop dure en lui retirant son autorité parentale ? Pas sûr.

Pour l’avocate de la mère de l’enfant, Sandrine Caron, « Serge Charnay est seul responsable de la dégradation de ses droits parentaux et son prétendu combat ne doit pas être confondu avec celui de nombreux pères injustement éloignés de leurs enfants. » « La question de ses droits sur son fils dépend de la seule compétence du juge aux affaires familiales qu’il refuse de rencontrer, a poursuivi maitre Caron dans un communiqué. En posant aussi violemment la question de ses droits parentaux, M. Charnay ne semble pas se soucier de l’effet que cela peut produire sur son fils de 6 ans, qui doit se cacher des caméras des médias. »

Quoi qu’il en soit, l’opération coup-de-poing du papa nantais est rapidement parvenue jusqu’aux oreilles ministérielles de Christiane Taubira et Dominique Bertinotti. La Garde des Sceaux et la ministre déléguée à la Famille se sont empressées de recevoir, lundi, plusieurs associations de défense des droits des pères, SVP Papa, SOS Papa et la FMCP (Fédération des mouvements pour la condition paternelle), sous la pression du Premier ministre, Jean-Marc Ayrault. Mme Taubira s’est même prononcée pour un développement de la médiation et un examen approfondi du nombre de cas où le père demande réellement la garde de l’enfant. Néanmoins, elle a expliqué que les associations jugeaient « les lois satisfaisantes » et se contentaient de « contester la façon dont les jugements sont prononcés ». La ministre de la Justice se retrouve donc pieds et mains liés… A part calmer le jeu, elle ne peut pas faire grand-chose.

La réception par Mme Taubira de ces associations de défense des droits des pères, qui se rapprochent tant sur leurs principes que sur leurs modes d’action des activistes masculinistes, qui sévissent au Québec et au Royaume-Uni et prônent le retour des valeurs patriarcales dans une société devenue matriarcale, a provoqué la colère de certaines associations féministes, et notamment d’Osez le féminin.

Celle-ci a violemment condamné l’association « réactionnaire, lesbophobe et anti-féministe » SOS Papa. Et de citer un article qui, publié sur son site officiel – sospapa.net –, décrit le mariage homosexuel comme « l’une des dernières étapes d’un long processus conduit par le lobby lesbo-féministe pour obtenir les enfants qu’elles ne peuvent produire elles-mêmes entre elles. »

Une vision du monde que semble partager Serge Charnay qui, à sa descente de la grue, a tenu des propos justement qualifiés de machistes. « Je demande aux médias d’arrêter de divulguer les faux chiffres que nous sert le parti du ministère des Femmes qu’on a mis au pouvoir à grand frais de nos impôts, avec Najat Vallaud-Belkacem en tête, et le ministère de la Famille pour madame Bertinotti », a-t-il déclaré, avant de poursuivre sur le même ton : « les femmes qui nous gouvernent se foutent toujours de la gueule des papas ».

Photo : Serge Charnay déploie une bannière en haut d’une grue à Nantes, le 15 février 2013. FRANK PERRY / AFP.


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