Michel Sapin : la France, « Etat en faillite »

Dimanche, le ministre socialiste du Travail, Michel Sapin, a cru bon de citer François Fillon sur les ondes : la France est « un Etat totalement en faillite », s’est-il exclamé lors du « Forum » Radio J. Reprenant ainsi les propos tenus par l’ancien Premier ministre de Nicolas Sarkozy en juillet 2008. Une drôle d’imitation qui relèverait, selon lui, moins du tribut que de la parodie. Vraiment ?

« Il y a un Etat, mais c’est un Etat totalement en faillite » : c’est ainsi que le ministre du Travail de François Hollande, l’illustre Michel Sapin, s’est exprimé au micro de Radio J. Une formule employée pour insister sur la nécessité de poursuivre dans la voie de la réduction des déficits publics. Mais surtout, une formule utilisée en 2008 par l’ancien Premier ministre « labellisé UMP » François Fillon. Les deux hommes aux couleurs politiques tranchées, l’un rose PS, l’autre bleu UMP, tomberaient donc d’accord sur l’état de l’économie française et sur la méthode à mettre en œuvre pour la redresser : l’austérité.

« C’est la raison [l’Etat en faillite] pour laquelle il a fallu mettre en place des programmes de réduction des déficits et aucune sirène ne doit nous détourner de cet objectif de la diminution des déficits, c’est fondamental pour le financement de notre économie, et la création d’emplois », a voulu marteler Michel Sapin, répondant ainsi aux critiques qui, sur sa Gauche, s’élèvent contre la volonté du Gouvernement Ayrault de ramener la dette publique sous la barre des 3% du PIB fin 2013.

La langue de Monsieur Sapin a-t-elle fourché ? Ses paroles ont-elles dépassé ses pensées ? Peut-être. Car, le ministre du Travail, dont les propos s’étalaient dimanche dans les colonnes de la presse, s’est empressé de rectifier le tir en déclarant au bureau de l’AFP qu’il avait sciemment utilisé l’expression « Etat en faillite » non pas pour dépeindre la situation actuelle de la France, mais pour « ironiser » sur la formule de François Fillon. Ce qui est vrai, c’est qu’on lui a mis la dite formule dans la bouche en lui demandant, lors du « Forum » Radio J, s’il pensait comme François Fillon être aux manettes d’un « Etat en faillite » ou comme Michel Rocard qu’il y avait « le feu ».

Un choix cornélien ! Le ministre du Travail pouvait difficilement reprendre les propos tenus par Michel Rocard, certes ancien premier Ministre socialiste, mais farouche adversaire de la politique d’austérité menée par le Gouvernement de Jean-Marc Ayrault. Dans le Journal du Dimanche, celui-ci s’était opposé au calendrier serré des leaders socialistes, prophétisant : « la récession va s’aggraver, donc le chômage va augmenter. Il y a le feu (…). Aussi longtemps que nous n’aurons pas fait accepter un ralentissement dans la réduction de la dette, nous serons sous contrainte. »

Alors, M. Sapin n’a pu que nuancer ses paroles, estimant que le chiffre du chômage moins mauvais en décembre qu’en novembre « pouvait être le signe d’une activité économique pas aussi dégradée que ce que l’on dit. » Avant d’ajouter : « Nous ne sommes pas dans un écroulement » de l’économie, mais « dans une atonie », les licenciements, qui s’étaient multipliés après l’élection de François Hollande, se tarissant. « Ce qui permet d’avoir pour l’année 2013 une vision plus positive que celle que l’on entend habituellement », a conclu le ministre socialiste.

Quelle belle pirouette ! Pour passer d’un « Etat en faillite » au prochain « rebond de la croissance » en deux temps  trois mouvements, il faut être un sacré équilibriste ! A défaut de rassurer les Français sous une pluie de bonnes et moins bonnes nouvelles, le ministre les noie – comme on noie le poisson – dans un flot d’informations contradictoires.

Crédit photo : Michel Sapin (Charles Platiau/Reuters)


« »

© 2024 Planete Campus. Tous droits réservés