Doit-on tout pardonner aux artistes ?

Les artistes se distinguent des politiques et des héritières de par leur capital-sympathie non négligeable dans une société donnée. Celle-ci sera alors plus clémente envers ses créateurs qu’envers un citoyen lambda. Ils jouissent donc de libertés de ton et d’action plus larges ; mais sont-elles infinies pour autant ? A l’heure de la prochaine extradition de Roman Polanski vers les Etats-Unis, la question se pose. Billet.

Toute madame Michu qui se respecte claironnera la même chose : « Ah !… Ces artistes… », avec cette tendresse dans le regard comme on rouspète – pour la forme – un enfant aux boucles d’ange qui aurait fait une grosse bêtise. Georg Baselitz (peintre allemand), lui, a déclaré : « L’artiste n’a de responsabilité envers personne. Son rôle social est asocial. » Tout est dit. Si l’essence même du créateur est d’être outre-société, alors pourquoi lui imposerait-on les règles et les lois inhérentes à tout citoyen ? Après tout, la scène publique a besoin de ces artistes non-conformistes : qui d’autre remplirait ce rôle ? Le Manifeste des 343 salopes, symbole de la désobéissance civile, n’aurait pas réussi à faire voter le droit à l’avortement si une majorité d’artistes ne l’avait pas signé.

Au-delà des faits de société lourds de sens et de conséquences, l’artiste revêt une fonction beaucoup plus triviale – mais non moins importante : la catharsis d’un peuple, la bouffée d’oxygène de la bien-pensance de tout-un-chacun. Johnny Halliday est un coureur de jupons invétéré ? Les femmes sourient et pardonnent, les hommes l’envient. Lady Gaga porte des tenues toujours plus improbables et fait des clips toujours plus provocants (voir vidéo ci-dessous) ? Les femmes se rêvent aussi libres qu’elle, les hommes sont sous le charme. Pete Doherty entame l’hymne nazi ? S’il n’était pas aussi sulfureux, il n’aurait aucun intérêt… Les artistes, au-delà de leurs œuvres, se doivent donc de ne pas avoir nos valeurs et notre morale : un peu de folie dans ce monde de brute est salutaire. Leur liberté de ton, plus grande que celle d’un citoyen lambda, est même nécessaire à une démocratie digne de ce nom.

« Un artiste est quelqu’un qui a réussi à transformer des défauts caractériels en qualités professionnelles », disait Philippe Bouvard. Libérons donc sur le champ Roman Polanski et demandons à la Suisse de ne pas accepter l’extradition demandée par la Cour Suprême de Californie. Il a certes plaidé coupable de relation sexuelle sur mineure de 13 ans. Mais un homme si talentueux, qui a tant apporté au 7ème art !… Kate Moss consomme de la drogue et fait l’éloge de la maigreur ? On ne peut décidément pas mettre au ban une telle figure de la mode. Tom Cruise fait l’éloge de la Scientologie ? Mais il a un sourire si bankable… Serge Gainsbourg prend Vanessa Paradis adolescente sur ses genoux et lui susurre des chansons qui feraient rougir Humbert Humbert ? Oui ; mais c’était (paraît-il, je ne suis pas convaincue…) un génie.

Adolf Hitler était artiste peintre. Gardons-le tout de même à l’esprit.

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