« Pas d’avortueuse à l’Académie française » : ma réponse

Le jeudi 18 mars, j’ai publié l’article intitulé « Pas d’avortueuse à l’Académie française : la manifestation de la honte », où je prenais position contre les manifestants anti-IVG qui profitaient de l’intronisation de madame Veil au rang d’Immortelle pour s’exprimer sur leurs convictions.

Ce billet d’humeur, engagé, ne reflète bien évidemment que l’opinion de son auteur et les propos énoncés n’engagent que moi. Lu plus d’un millier de fois, il a vu son espace dédié aux commentaires des internautes se déployer en un vaste échange d’idées, d’opinions, et de points de vue.
Je tiens à préciser qu’aucun des commentaires reçus n’a été censuré. La liberté d’expression est une liberté fondamentale que je ne saurai remettre en cause, en aucun cas, à aucun moment, sur aucun sujet. Seulement, de nombreuses questions, objections, et critiques m’ont été adressées directement dans ces commentaires. J’ai essayé d’y répondre, mais pour des raison de manque de temps, il m’a été difficile d’exposer mes arguments et de défendre mon point de vue.

C’est la raison pour laquelle j’ai décidé, hors du contexte strictement professionnel que représente le site Planète Campus, de répondre en détail, point par point, à ceux qui, par provocation ou par conviction, m’ont posé des questions et ont soulevé des faiblesses dans ce billet. Je tiens donc à partager ici même, dans une volonté sincère de dialogue, ma réponse, publiée sur mon blog personnel sous le titre de « A ceux… qui veulent me réduire à Marie et/ou à Marie-Madeleine ».
Trop long pour être publié dans son intégralité, je ne vous en propose que les premiers paragraphes. Libres à ceux qui souhaitent lire mes arguments jusqu’à la fin de le faire.

Merci à tous les internautes qui permettent ce débat et ces échanges d’idées. Quelles que soient leurs convictions.

A ceux… qui veulent me réduire à Marie et/ou à Marie-Madeleine

En préambule, sachez que j’ai beaucoup réfléchi, et que je réfléchis toujours beaucoup, aux différents sujets que je vais aborder. Ce qui va suivre reflète ma position et mon opinion ce jour. Je reste donc libre de changer d’avis, pour la simple et bonne raison que je reste ouverte au dialogue et que je prends en compte chacun des arguments de ceux qui n’ont pas la même vision que moi. Je ne balaye jamais un point de vue du revers de la main : je le soupèse toujours avant de me forger ma propre opinion.
Je remercie donc par avance ceux qui liront ce post tout en sachant qu’ils ne seront pas d’accord avec ce qui y sera dit, et qui respecteront mes propos comme je respecte les leurs.

Mes (non-)croyances
Je viens d’une famille traditionnellement catholique. Je suis baptisée. J’ai fait un an de catéchisme, en classe de CM1 ; mes parents se sont très vite rendus compte que je resterai réfractaire à ces inepties. Je les remercie néanmoins d’avoir fait la démarche de m’initier à cette religion qui est la leur – en théorie (ni l’un ni l’autre n’est pratiquant). Et je les remercie encore plus de ne pas me l’avoir imposée par le biais de cours de catéchisme plus longuement obligatoires.
Je suis athée. Je ne crois en aucune sorte de divinité – je trouve l’idée absolument absurde, dénuée de sens même. Cela dit, je comprends qu’on puisse, qu’on ait besoin d’y croire ; je respecte totalement ceux qui ont une foi.
Ce n’est juste pas mon cas.
Comme j’accepte sans y croire une seule seconde la potentialité (même minime à l’extrême) qu’il puisse exister une divinité, merci aux croyants d’accepter sans y croire une seule seconde la potentialité (même minime à l’extrême) qu’il puisse ne pas en exister.
Tout simplement parce que, d’un côté comme de l’autre, nous n’avons aucune preuve de ce que nous avançons.

Ma position sur l’avortement
Plusieurs associations se sont donc réunies avant-hier au Quai Conti pour dénoncer l’entrée de Simone Veil, à l’origine de la loi en faveur de l’avortement, à l’Académie française. Ils pleurent les « millions d’enfants français qui manquent parce qu’ils ont été assassinés dans le sein de leur mère ». Vous remarquerez que les deux personnes à haranguer les pro-IVG étaient des hommes… Mais j’y reviendrai.
Vous l’aurez compris, je suis pour le droit à l’avortement (même si être pour ou contre n’a pas vraiment de sens puisque cette loi existe.) Je ne pense pas qu’une IVG soit un meurtre d’enfant. Une IVG est une interruption du développement d’un embryon – voire d’un foetus.
Avant la 12ème semaine de grossesse, je ne pense pas que ce foetus soit vivant : pour moi, tout ce qui n’est pas viable en dehors de l’utérus n’est pas vivant. Ca me semble être le bon sens, mais je respecte ceux qui pensent autrement.
Avant la 12ème semaine de grossesse, un foetus n’a pas de sexe déterminé. Ce n’est donc pas une personne : ce n’est encore juste qu’un ensemble de cellules qui peut potentiellement devenir un foetus viable.
Avant la 12ème semaine de grossesse, un foetus n’a pas d’activité cérébrale. Or, la sience dit qu’il n’y a conscience que lors d’une activité cérébrale.
Avorter n’est donc pas tuer. C’est juste stopper le développement d’un ensemble de cellules. Qui n’est ni vivant, ni une personne – puisque pas viable, ni conscient, ni sexué. Point.

Et Francis Kaplan, auteur de L’embryon est-il un être vivant ? (éditions du Félin, 2008) l’explique très bien dans son entretien avec Lucette Finas (que j’ai trouvé au hasard de mes recherches après avoir écrit ce précédent paragraphe.)

L’IVG : souvent la meilleure solution
Dans toutes les époques, dans toutes les cultures, les femmes ont avorté. Avec des méthodes plus ou moins dangereuses pour leur santé ou leur vie. De nos jours en tout cas, autant d’avortements sont pratiqués dans les pays où ils sont interdits que dans ceux où ils sont légalisés.
Chaque année, près de 20 millions d’avortements sont réalisés en dehors de structures spécialisées. Toutes ces femmes qui prennent des risques inconsidérés et qui endurent souffrances et complications ne le font pas pour le plaisir. Elles le font parce qu’elles n’ont pas d’autre choix. Elles le font parce que c’est la meilleure – la moins pire – des solutions qui s’offrent à elles.
Restons en France. Prenons un cas proche et concret : le mien. Mettons que je tombe enceinte demain. Malgré toutes les précautions que je prends (pilule + préservatif, je n’ai jamais fait autrement pour justement éviter ça), ça peut arriver. Je vis dans un studio de 12m². Je suis étudiante-stagiaire. Mon loyer – pour ne parler que de lui – est supérieur à ce que je gagne. Je vis seule. Je suis indépendante. Mes parents travaillent, et ils sont loin. Pour avoir une place en crèche à Paris, il faut s’inscrire sur des listes d’attente deux ans avant l’accouchement (au mieux). Une assistante maternelle coûte très cher.
Que ferais-je d’un bébé ? Où l’installerai-je ? Avec quoi est-ce que je pourrai le nourrir, l’habiller, le soigner ? Quand et comment pourrais-je m’en occuper ? Si j’arrête mes études pour le garder et l’élever, à partir de quand pourrais-je recommencer à travailler pour gagner de quoi subvenir à nos besoins ? Et sans diplôme, quel genre de travail réussirai-je à avoir ? Pour quelle rémunération ?
Non, il n’y a pas de meilleure solution que l’avortement dans mon cas. Et je ne suis pas le plus désespéré, le plus démuni, le plus en détresse. Loin de là.
Mais avoir un bébé maintenant, c’est nous condamner, ce bébé et moi, à une vie de grande précarité, voire de misère. Est-ce vraiment la vie que ces manifestants souhaitent à cet enfant ?…

IVG, ITG, IMG… et la vie
Parlons-en, de la vie. Les manifestants d’avant-hier défendent la vie comme un état : un être qui respire, qui bouge, qui pense, qui ressent. Moi, je pars du principe que la vie, c’est tout ça, plus les conditions dans laquelle cet être grandit. Parce qu’être vivant, c’est être vivant quelque part, à un moment donné, dans un contexte donné. Pour reprendre mon exemple personnel, donner la vie dans neuf mois à un enfant qui serait le mien n’a aucun sens. Aucun.
Décider de mettre un enfant au monde, c’est la plus grande responsabilité qui soit. Ce n’est pas une décision qui se prend à la légère. Et le mettre au monde sous le seul prétexte que « la-vie-à-tout-prix » est à mon sens la preuve d’une irresponsabilité et d’une immaturité condamnables si les conditions pratiques, financières, sanitaires, psychologiques, etc… d’accueil du bébé ne sont pas réunies.

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