Lire d’urgence Slavoj Zizek : Matrix, Fight Club expliqués dans « La subjectivité à venir »

Dans les faits, Slavoj Zizek paraît bien aride puisque ce philosophe slovène d’obédience néo-marxiste, à forts penchants lacaniens, écrit des livres qui arborent des titres polaires comme La subjectivité à venir, essais critiques sur la voix obscène. Mais dans les idées, Slavoj Zizek est résolument pop, n’hésitant pas à décrypter des produits de la culture de masse comme Shrek, Matrix ou Fight Club pour dresser un portrait au vitriol des sociétés occidentales dévoyées.

Adeptes du consensus, de la nuance, du compromis, passez l’allée artificiellement fleurie qui constitue votre chemin. Car ici, nul détour. La subjectivité à venir, essais critiques sur la voix obscène (je ne le redirai pas deux fois) de Slavoj Zizek campe une véritable idéologie philosophique, entière et cinglante.

La voix obscène, c’est lui
Quelques avant-goûts amers : la société capitaliste de consommation enjoint de jouir, d’où par exemple les rires enregistrés, les films pornographiques qui libèrent de cette injonction surmoïque, prenant en charge la jouissance du sujet. La jouissance devient devoir, sujétion. Autre idée : les masochistes sont les maîtres du jeu car ce sont eux qui exposent leur fantasme primordial, déclenchant ainsi de l’angoisse chez l’Autre (pertinente lecture de La Pianiste de Michael Haneke). Encore : les occidentaux sont les victimes de leur propre « croyance décaféinée » (appelée ainsi à cause de l’extraordinaire paradoxe du café décaféiné) : ils acceptent la religion en tant que particularisme culturel mais sont en réalité terrorisés à l’idée que d’autres populations puissent réellement croire, eux qui différent sans cesse le garant ultime de la croyance.
À rebours du politiquement correct, dont le philosophe démontre la totale iniquité sociale, exhortant les individus à se mentir les uns les autres, Slavoj Zizek pointe sans ambages l’intolérance masquée à l’égard de l’Autre, la fascination morbide pour le fantasme primordial, etc.
Gilles Deleuze disait que le travail du philosophe était d’inventer des concepts. Slavoj Zizek a bien retenu la leçon deleuzienne, lui dont les concepts à l’envers étourdissent.

Mais pourquoi diantre, se laisserait-on séduire par l’idéologie forcenée d’un olibrius pareil ?
La véhémence du discours n’a d’égale que sa force intellectuelle. Slavoj Zizek est salutairement obscène, heurtant la pudeur et le bon goût, dans un marché de l’intellect où le cabotinage le dispute au consensus mou.
Enfin une philosophie forte avec des vrais morceaux d’idée dedans !

Interview de Slavoj Zizek sur Euronews traduite en français

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La subjectivité à venir, essais critiques sur la voix obscène
De Slavoj Zizek
Edité chez Flammarion, à partir de 8 euros

Crédits photo : Slavoj Zizek in Liverpool © Andy Miah


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