Pina Bausch : Vollmond, les passions-lunes

Du 11 au 28 novembre, le Théâtre de la Ville rend hommage à Pina Bausch. Vollmond signifie pleine lune. Ce spectacle de Pina Bausch, résolument placé sous l’astre de la féminité, interroge les relations hommes-femmes dans une forme chorégraphique théâtralisée.

Pina Bausch, chorégraphe allemande de la modernité, est décédée en juin dernier. Elle est l’une des premières à avoir introduit du théâtre dans ses créations chorégraphiques, mettant en scène des formes hybrides pour sa troupe créée en 1976, le Tanztheater Wuppertal au sein de laquelle danse encore Dominique Mercy. Vollmond est une œuvre scindée en deux parties, l’amour et la séparation, prenant place dans un décor minimaliste de Peter Bapst : une scène nue, un rocher et en arrière-plan, une rivière.

L’envol de la séduction

Les histoires de Pina Bausch se déploient en mythologies tribales. Le jeu de la séduction convoque la figure de l’oiseau en une gestuelle suggérant l’envol. De petits sauts effarouchés dans l’eau, les bras écartés comme des ailes, évoquent la grâce des volatiles. Souvent vêtues de rose, dansant dans l’eau, les femmes se prennent pour de paresseux flamants que cajolent les hommes. Reines indiscutables, daignant être caressées et câlinées, elles les asservissent par la grâce sophistiquée de leurs parades amoureuses. Le final de la première partie est à cet égard éloquent : assises, elles se laissent embrasser par des hommes allant et venant de chaises en chaises pour les picorer toutes.
Ces mouvements aériens s’inspirent de figures ethniques : l’Inde est notamment présente de par la fluidité des poignets et le jeu des bustes qui se contorsionnent. Les têtes sont vivement rejetées en arrière entraînant dans leur mouvement de longs cheveux noirs qui dessinent alors de lascives volutes.
La musique assourdissante, de l’electro expérimentale aux accents charnels du flamenco, excite les corps. Les fines pluies et le sage rocher achèvent de donner à la première partie des allures de théâtre sensuel.

La perte : la noyade

« J’attends, je pleure ». Cette litanie d’une danseuse annonce la chute après l’envol. La pluie bat et les femmes dérivent. Sur des matelas pneumatiques, abandonnées au courant ou sur scène, somnambules aveugles, les bras étendus devant elles.
La représentation de la démence emprunte aux codes de l’expressionnisme allemand : expressivité angoissante des émotions à vif. Cette incursion se prolonge dans le champ cinématographique avec d’inquiétants plans-séquences où les femmes nagent en file indienne dans l’eau noire.

Le cycle

Après la pluie, le renouveau. Les couples se reforment, dansent de timides slows sur la chanson Au clair de lune.
Le final est survolté : de nouveau galvanisés par l’amour (re)naissant, hommes et femmes courent, sautent, effectuent de larges mouvements rapides, dansent dans l’eau, s’en jettent des seaux. Les corps s’étourdissent dans une profusion d’eau, électrisés par la rythmique entêtante de didgeridoos, tournoyant pour oublier que l’amour est un cycle.


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