Les Roues de l’infortune, « de la chute à la lutte » : infortune sans amertume

Les Roues de l’infortune « de la chute à la lutte » d’Yves Veuillet, un homme sensible et décidé qui nous parle de son parcours unique avec un ton inhabituel pour un sujet grave : sincère et plein d’humour.

Qu’est-ce qui vous a poussé à  écrire ce livre tant d’années après votre accident?

Yves Veuillet : en mars 2009  j’intervenais  lors d’un meeting sur la diversité intergénérationnelle en expliquant ma stratégie sur le sujet chez IBM [Yves Veuillet est directeur diversité Europe chez IBM, ndlr]. Lors du cocktail qui a suivi ce colloque, j’ai discuté avec la directrice d’un cabinet de bien-être en entreprise, et nous avons parlé de nos parcours respectifs. Elle m’a dit que le mien était très atypique, un exemple, et mériterait d‘avoir plus de visibilité. Je n’y avais jamais pensé en ces termes, mais de retour chez moi je me suis mis devant mon clavier et  l’inspiration est venue. J’ai fait des études littéraires, je n’ai donc aucune difficulté avec l’écriture.

Quelles ont été les réactions de vos  proches, de vos collègues, de vos amis à sa lecture?

YV : D’abord il y a deux sortes de personnes : celles qui m’ont connu valide et celles qui m’ont toujours connu en fauteuil roulant. Le livre a mis à l’aise les premiers et a répondu à certaines questions qu’ils n’osaient pas me poser. Il existe un modèle de communication entre valides qui  là, a  changé, mais pas la parole, toujours un bon médium. Pour les seconds, il été moins surpris et m’ont dit que me lire avait été comme de m’entendre parler chaque jour. Certains ont découvert des détails de l’accident ou de mon parcours  professionnel, mais pas plus. Grâce à ce livre, ma maman a compris mon point de vue et pourquoi, parfois, j’étais agressif avec elle. Elle a rempli son rôle de mère, qui comprend instinctivement les choses, présente et discrète à la fois et qui cache ses angoisses. Mais  je sais que par moment c’était très dur.

Quel impact a eu l’écriture puis  la lecture du livre sur vous ?

YV : En fait  j’étais assez détaché, c’était comme si je racontais l’histoire de quelqu’un d’autre. Le but ultime c’était d’expliquer que malgré les accidents de la vie il y a toujours un moyen de rebondir. Je suis  resté pudique, je n’ai  pas du tout écrit avec pathos et je n’ai pas parlé des choses très dures. Cela devait être un récit pour tous et avoir une grille de lecture simple. J’ai juste mis des mots sur des sentiments.

Aujourd’hui, avec le recul, diriez-vous que la vie n’a pas été  juste avec vous ?

YV : Au début  j’étais révolté, je me disais « Pourquoi moi ? » Mais, le temps passant, j’ai compris que la notion de justice n’avait aucune résonance avec la nature. Le destin c’est le destin et on n’a pas le contrôle de tout. Je n’ai pas eu de colère destructrice, j’ai plutôt choisi d’évoluer. L’un des facteurs primordiaux c’est que j’étais célibataire lors de mon accident. La réaction face à ce type de situation dépend de la personnalité de chacun mais aussi du statut antérieur. En effet, si  j’avais  été manuel, cela aurait été plus difficile de réévaluer ma propre vie ; mais comme j’étais plutôt intellectuel cela a facilité ma réinsertion. Bien sur, j’ai eu un blocage avec la réalité [Yves croira pendant quelques temps que, malgré un problème à la moelle épinière, il pourra remarcher, ndlr]. La recherche sur  la moelle épinière n’est pas prioritaire par rapport au cancer ou au sida, et je le comprends, mais je pense qu’il y a aussi une mauvaise concurrence entre laboratoires qui n’échangent pas leurs informations et découvertes, et ralentissent ainsi les avancées.

On dit que le rire est la politesse du désespoir. Est-ce vrai pour vous, et notamment dans votre livre ?

YV : Pas du tout. L’humour ça n’est pas une bouée, c’est une arme pour se protéger du regard des autres, une façon de mettre de la distance, de prendre du recul vis à vis de soi même. Chacun a un truc pour mieux vivre, pour certains c’est l’alcool, la drogue ou le déni, moi c’est l’humour.

Aujourd’hui bien installé dans votre vie professionnelle comme privée, quel message voulez-vous faire passer ?

YV : Ne vous endormez jamais sur vous même. La vie est un flux constant, on ne trouvera jamais le bonheur éternel, il faut tout le temps se remettre en question. Il  faut  avancer, ne pas être obsédé par le passé, savoir que le futur n’est pas miraculeux mais regarder où l’on croit  pouvoir aller. Rester réaliste, également, parce que la vie  nous apprend qu’il faut en profiter au maximum. Les bons moments ne durent jamais, les mauvais non plus, alors la vie est supportable… il  faut juste savoir faire le gros dos en attendant que ça passe.

Nous somme en période de festival de Cannes. Si votre histoire était portée à l’écran, quel acteur  verriez-vous bien pour  tenir votre rôle ?

YV : A part Brad Pitt, euh… François Cluzet ou Vincent Lindon.

On ose rêver à Brad Pitt, et quittons Yves Veuillet dans un sourire. Le sien, si beau, est une preuve de son amour de la vie. J’ai testé, c’est  contagieux.

Yves Veuillet – Les Roues de l’infortune, « de la chute à la lutte » chez L’Harmattan.

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