Karimouche, le flow qui fait mouche

« Je tchatche trop, je parle trop. Parfois ça frôle la performance », serine une des chansons de Karimouche. Et quel charmant défaut ! Sur une musique enjouée se jouant des clivages de genre (funk, chanson française, ragga et hip-hop s’y mêlent dans l’allégresse), la chanteuse et compositrice ébouriffe les mots et conte de truculentes historiettes. On a tchatché un peu avec elle, et ce fut un plaisir de se perdre dans ses digressions et de rire à ses saillies humoristiques.

Ceux coupables de boire leur p’tit kawa en regardant la misère du monde, ceux dont la volubilité en a assommé plus d’un, les prostituées qui s’amourachent de leur mac, les victimes des téléréalités et de leurs rêves de pacotille, ceux qui chantent dans le métro dans l’attente d’une piécette incertaine, ceux qui ne savent pas ce qu’ils veulent, tomber amoureux ou de la mayo dans leur sandwich… Emballage d’Origine, le premier album de Karimouche, campe une galerie de personnages drolatiques et touchants. La gouaille est fébrile, parfois argot d’un autre temps, parfois flow bien d’aujourd’hui, et la voix est rocailleuse. La musique, chaloupée, mâtinée d’influences diverses, séduit l’oreille. Mais, minois espiègle, Karimouche précise : « Je ne me revendique pas « grande auteure de textes ». Moi, je suis comédienne, je raconte des histoires : mes chansons sont de petits sketches, de petits courts-métrages avec plusieurs personnages, que je joue. J’aime les choses imagées et j’ai envie de me balader dans les styles, d’expérimenter, de faire un petit laboratoire. Le flow, la tchatche, la mélodie des mots, ça, ça me botte. Mon arme, c’est l’humour, le second degré. Avec de l’humour, tu peux faire une chanson engagée, sur un sujet grave. Comme on dit, on ne change pas la face du monde avec des lois, mais il faut prendre à la base. Si chacun fait un petit effort, on pourra y arriver. Donc moi, ce qui m’intéresse, c’est la source, c’est-à-dire les gens et leurs rapports. » L’artiste s’insurge d’ailleurs contre le racisme réglementé et, en particulier, la loi contre la burqa, avec son humour singulier : « Là, franchement, on se perd. Ça ne veut pas dire que je cautionne la burqa mais faire une loi pour ça…. Il y aura toujours moyen de contourner. T’imagines, tu passes en burqa (faisant les voix) : « Excusez-moi, Madame. Vous savez que c’est interdit ? » « Ah, non, je suis apiculteur » « Ah pardon ! » »

L’heureux capharnaüm des vies
Si Karimouche sait si bien raconter le joyeux bazar des vies, c’est que la sienne s’est construite en empruntant de bien impudents chemins, faisant fi des rabat-joies qui préconisent la voie unique. Petite, elle remporte le titre de championne de gym d’Angoulême. Ensuite, elle suit des cours de danse africaine et de modern jazz. Elle entame des études de stylisme modélisme, prend des cours de théâtre, s’initie à l’art de la marionnette. Plus tard, elle part en tournée avec Käfig, une prestigieuse compagnie de hip-hop française. Et, pendant qu’elle parcourt le monde (Thaïlande, Palestine, Corée, etc.) dans son rôle de danseuse contemporaine à la Buster Keaton, elle mûrit les chansons d’Emballage d’Origine. Et peste contre ceux qui voudraient la faire rentrer dans une catégorie bien définie, pour se rassurer. Mais qu’on laisse donc Karimouche, avec la saine versatilité qui la caractérise, chanter l’exquise pagaille du monde !

Crédits photo : © Stéphane Rouaud


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