Jacqueline Sauvage : grâce présidentielle et désengagement dans l’aide aux victimes

Ce dimanche 31 janvier, le Président de la république François Hollande a accordé à Jacqueline Sauvage, condamnée à dix ans de prison pour avoir tué le mari qui la torturait depuis quarante ans, une « remise gracieuse de sa peine d’emprisonnement de 2 ans et 4 mois ». Autrement dit, elle peut demander dès à présent une remise en liberté conditionnelle et espérer sortir de prison d’ici plusieurs mois sous surveillance.

La conclusion d’une affaire controversée

Le procès de Jacqueline Sauvage est un cas d’école de la façon dont les violences conjugales sont traitées par l’appareil judiciaire. Les associations féministes comme les Dé-Chaînées qui ont lancé le mouvement de soutien à la victime, dénoncent depuis longtemps l’ignorance de la réalité de la violence conjugale et des mécanismes d’emprise de la part des policiers comme des juristes.

Les dix ans de prisons auxquels ont été condamnés Jacqueline Sauvage contre l’avis de l’avocat général en sont une illustration criante. La légitime défense n’a pas été retenue par le jury malgré l’emprise psychologique et le danger permanent dans lequel vivait Jacqueline Sauvage : lorsque l’on a vécu 40 ans de violences, la peur est constante et le danger permanent. De plus, elle s’est vue reprocher plusieurs fois dans le procès de n’avoir pas cherché à partir, alors même qu’aucune des plaintes des voisins et de ses filles n’ont été retenues, et qu’aucune enquête n’a été déclenchée les nombreuses fois où son mari l’a envoyée à l’hôpital. Cette sentance est d’autant plus paradoxale quand on la met en balance avec les huit ans de prisons auxquels ont été condamnés Bertrand Cantat pour le meurtre de sa compagne Marie Trintignant.

Dans ces circonstances, la grâce présidentielle décidée par François hollande est certes une bonne nouvelle car elle évite à Jacqueline Sauvage de payer encore davantage son calvaire. Néanmoins, elle laisse un goût un peu amer : la seule protection que la France offre aux femmes victimes de violences est-elle une grâce exceptionnelle ?

Un problème structurel

En effet, la procédure de la grâce présidentielle est une procédure exceptionnelle, qui n’est utilisée que pour la deuxième fois depuis le début du mandat de François Hollande. En revanche, les violences conjugales sont une réalité extrêmement courante et concernent 547 000 personnes en France, en très large majorité des femmes.

Or, si tuer l’auteur des violences pour mettre fin à l’enfer est passible de dix ans de prison, l’aide offerte aux victimes pour leur permettre de se protéger est extrêmement faible, et tend à décroître encore. Les plaintes non enregistrées, les procédures abandonnées ne sont qu’une partie de ces obstacles. Il y a également la baisse des aides sociales dues à une politique d’austérité : en effet, quitter son conjoint, surtout avec ses enfants, correspond aussi à une baisse drastique de revenus. Il faut se re-loger, prendre soin des enfants, payer un avocat avec un seul salaire (ou pas du tout) à la place de deux. Sans compter que les places en foyer sont de plus en plus rares, et que celles dont la famille est trop loin pour les héberger se retrouvent coincées chez elles sous peine de dormir à la rue. Exemple parlant : depuis cette année, on ne peut toucher une aide au logement si l’on dispose d’un capital supérieur à 30 000 euros. Cela signifie qu’une femme qui est co-propriétaire de la maison conjugale ne touchera pas d’aides au logement puisqu’elle dispose déjà d’un endroit où habiter… qui n’est autre que la maison où vit aussi son bourreau.

La grâce de jacqueline Sauvage est donc pour elle une excellente nouvelle. Elle pose néanmois une question : pourquoi en est-on arrivés là alors que c’est une situation qui aurait pu être évitée en amont avec une prise en charge adaptée ? Et une autre subsidiaire : pourquoi le même homme qui déclare qu’il s’agit d’une « situation humaine exceptionelle » continue-t-il à couper les aides sociales qui permettraient à d’autres situations semblables de se résoudre pacifiquement ?


« »

© 2024 Planete Campus. Tous droits réservés