Lassana Diarra : la renaissance du guerrier

Didier Deschamps a tranché lors de la séance d’entrainement de mercredi, le milieu de terrain de l’Olympique de Marseille, Lassana Diarra, devrait fêter sa 29e sélection en équipe de France, ce jeudi soir face à l’Arménie en amical. Le joueur marseillais évoluerait aux côtés du parisien Blaise Matuidi et de Yohan Cabaye, qui remplacerait le milieu de la Juventus Paul Pogba, initialement prévu sur la feuille de match mais touché à une cheville lors de ce même entrainement. La dernière sélection de « Lass’ » remontait au mois d’août 2010, il y a plus de 5 ans. Une véritable renaissance pour un joueur qui se décrit aujourd’hui comme un « écorché vif ».

C’était le 11 août 2010, face à la Norvège. Pour son premier match à la tête de l’Equipe de France de football, le nouveau sélectionneur des Bleus, Laurent Blanc, faisait le choix d’écarter l’ensemble des 23 joueurs sélectionnés pour la Coupe du monde en Afrique du Sud, les « bannis de Knysna ». Lassana Diarra est alors appelé en remplacement de Jérémy Toulalan. Une sélection logique puisque Diarra était déjà pressenti pour disputer la Coupe du monde, avant de déclarer forfait sur blessure (crise drépanocytaire) lors d’un stage de préparation à Tignes. Coupable d’une erreur individuelle amenant un but norvégien, puis avec l’émergence de jeunes milieux comme Yann M’Vila, Abou Diaby ou encore Blaise Matuidi, Lassana Diarra est progressivement écarté, avant de déclarer prendre sa « retraite internationale » à seulement 28 ans en 2013. Certains y voyaient la fin annoncée du « nouveau Makélélé » en Equipe de France, un des joueurs les plus efficaces de l’ère Domenech (2006-2010), au profit d’une nouvelle génération. Mais à 28 ans, force était de constater un fort goût d’inachevé.

De l’espoir au déclin.

Il faut dire que Lassana Diarra sortait de 3 saisons réussies au Real Madrid. Entre 2009 et 2011, le milieu français d’origine malienne composait la paire idéale à la récupération avec d’abord Xabi Alonso (ESP), puis Sami Khedira (ALL). Mais l’année 2012 est un échec pour lui, son entraîneur José Mourinho ne lui fait plus confiance. Pire, le joueur passera les 6 derniers mois de la saison sans jouer, d’abord sur le banc, puis même plus convoqué. Une situation qui ne va pas s’arranger. Malgré un bon passage par l’Anji Makhatchkala entre 2012 et 2013 (3e du championnat de Russie) en 2013, le joueur décide d’arrêter sa carrière en Equipe de France, victime de son exil sportif en Russie. La saison suivante, à l’été 2013, il signe au Lokomotiv Moscou. Malgré une bonne saison (3e du championnat), son salaire est drastiquement réévalué par les dirigeants moscovites. « Lass’ » décide alors de rompre le contrat qui le liait au club de la capitale russe, qui lui réclame environ 10 millions d’euros. Le club obtient même, auprès de la FIFA, que le joueur ne puisse jouer pendant la saison suivante tant que le litige n’est pas résolu. Lassana Diarra touche alors le fond du trou : sa carrière est au point mort, sa situation est des plus instables, l’on pense le joueur prêt à ranger les crampons.

Tourner la page et se tourner vers l’avenir.

Mais c’est sans compter sur la rage de vaincre et le mental d’acier du formidable compétiteur qu’est Lassana Diarra. Quinze mois sans jouer. Quinze mois de flou à venir et une fin attendue : Lassana est au bord de la dépression. C’est alors que, soutenu par son ami rencontré en Russie, Eduardo Parra Garcia, aujourd’hui préparateur physique au Real Madrid, « Lass’ » va entamer un véritable travail de fond afin de se reconstruire un physique et un mental dignes de ses ambitions. Car oui, Lassana entend bien profiter de ce « repos forcé » pour retrouver le plus haut niveau et se sortir de cette période noire. Pendant plus d’un an, Diarra va s’entraîner tous les jours, matins, midis et soirs, « comme un malade » selon ses propos. Sans club, le joueur n’a pas accès aux infrastructures de très haut niveau. Que neni. Chaque plage, chaque chemin, chaque gymnase sont utilisés pour faire travailler Lass’. Progressivement, ce dernier se refait un physique et se forge un nouveau mental.

« Je n’étais pas en vacances, raconte-t-il en conférence de presse. On m’a privé de mon droit de travailler pendant longtemps. J’ai bossé comme un malade pour garder la forme. En tant qu’homme, je suis passé par beaucoup d’étapes et je me suis avant tout souvenu de ce que j’avais fait de bien. Je suis revenu en Europe, j’ai travaillé avec des gens que je connaissais depuis longtemps, ils ont su trouver les mots. Il y a eu des doutes mais j’ai toujours su que j’allais revenir et rejouer. Il n’y a pas de hasard, j’ai beaucoup travaillé pour ça. »

Plus serein, plus solide, plus opérationnel, le joueur est proposé à l’Olympique de Marseille à l’été 2015 et depuis le début de la saison, il éclabousse de sa classe, de son talent et de son expérience les pelouses de Ligue 1. Il est devenu un véritable taulier du championnat de France, et ce en l’espace d’un mois et demi. Littéralement : une renaissance.

Un come-back bienvenu.

L’histoire de son come-back, c’est lui qui la raconte le mieux. En conférence de presse, le joueur montre son bonheur d’avoir été rappelé par Didier Deschamps et semble tourné vers le futur. « Je suis extrêmement content et motivé d’être de retour, a-t-il lâché. Beaucoup de choses se sont passées. J’ai un gros caractère. Je suis un écorché vif, mais le passé, c’est le passé. Des choses ont été dites par incompréhension et frustration. Aujourd’hui, mon énergie est plus focalisée sur le futur. Ça fait partie de mon histoire, je l’assume sans aucun souci. Je vais de l’avant. »

Aller de l’avant. Tels sont également les mots du sélectionneur, qui compte sur lui pour encadrer un groupe globalement assez jeune et en manque de joueurs cadres. « Lass fait un très bon début de saison, explique Didier Deschamps. Il a une grosse expérience internationale, car il a joué dans de grands clubs européens, il compte une trentaine de sélections, il évolue dans un rôle stratégique devant la défense, que je connais bien. Il doit nous amener son expérience et son vécu dans ce secteur-là. » Et le joueur de se mettre au diapason. « On va dire que j’ai eu une image un peu brouillée, confie le joueur en conférence de presse, mais j’ai acheté le décodeur et maintenant on va tous bien s’entendre (rires). Je suis un peu plus âgé (30 ans), un peu plus mature et si je peux apporter, je suis toujours ouvert pour parler. Mais j’essaie surtout de rester moi-même. »

Aujourd’hui, le retour de Lassana Diarra tombe à pic pour apporter de l’expérience dans les matchs de très haut niveau. Lui n’a désormais qu’un message pour la jeune génération. « Il ne faut pas lâcher. On a tous des rêves, de l’ambition, il faut y croire et travailler. Il faut être exigeant mais ça passe par du travail. Si je peux apporter aux plus jeunes, ce sera avec plaisir mais ça passe surtout par être bon sur le terrain »Avec Lassana dans ses rangs, l’Equipe de France retrouve non seulement un joueur d’expérience, solide défensivement et doté d’une technique de relance hors pairs ; mais également et surtout l’un de ses enfants prodiges, héritier du grand Makélélé, un patron au milieu et un joueur sur lequel l’ensemble de l’équipe pourra indéniablement compter.

L’équipe probable face à l’Arménie : Lloris (cap.) –  Sagna, Varane, Sakho, Evra – Cabaye, L. Diarra, Matuidi – Valbuena ou Martial, Benzema, Griezmann.


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