Des stars nues pour les « Enfants du désert »

Des célébrités posent nues pour des photographies vendues au profit de l’association « Enfants du désert ». Une démarche louable, mais qui soulève certaines questions éthiques à l’approche de la journée internationale des Droits de la Femme.

Des femmes célèbres qui posent nues : encore un calendrier ? des Miss France libérées ? d’anciennes photos dévoilées par un odieux ex-petit ami ? Que Geneviève de Fontenay se rassure : rien de tout cela. Cette fois-ci, l’affaire est très sérieuse : des célébrités engagées pour l’association « Enfants du désert » ont accepté de poser en tenue d’Eve pour la photographe Carole Mathieu. Ces photographies (voir le diaporama en fin d’article) feront l’objet d’une exposition « esthétique, ludique, féminine et engagée » nommée « corporELLES », et qui se tiendra du 8 mars au 10 juin 2010 à la Galerie 105 de la Cantine du Faubourg à Paris.

Mathilda May © Carole Mathieu

Mathilda May © Carole Mathieu

Nues pour la bonne cause
Parmi les modèles, que des noms célèbres : Anne-Sophie Lapix, Arielle Dombasle, Julie Depardieu, Melita Toscan du Plantier, Christine Arron, Carole Gaessler, Alessandra Sublet (photo), Anne Fontaine, Florence Thomassin, Pauline Lefèvre… J’en passe, et des plus belles. Si ces stars ont accepté de dévoiler tout ou partie de leur corps, c’est pour une bonne cause : l’intégralité des bénéfices tirés de la vente des photographies ira à l’association « Enfants du désert », qui lutte pour l’instruction des enfants et notamment des petites filles du désert marocain. Leurs actions se concentrent sur le droit d’apprendre à lire, à écrire, et à compter, pour que ces fillettes aient les armes pour combattre les fléaux qui sévissent dans de nombreux pays : les mariages forcés ou l’esclavage sexuel et domestique, par exemple. La journaliste Anne-Sophie Lapix, l’un des modèles de ces photographies, est d’ailleurs la marraine des « Enfants du désert » depuis 2008.

Agathe de la Fontaine © Carole Mathieu

Agathe de la Fontaine © Carole Mathieu

Poser nu : une mode ?

Si la démarche est louable, on peut cependant s’interroger sur le bien-fondé d’une telle opération. N’y aurait-il pas d’autres moyens que de poser nue pour faire de l’argent ? Ces dernières années, les photos dénudées ont été utilisées à tort et à travers : les sportifs s’y sont mis (les fameux Dieux du Stade), les femmes d’âge mûr pour des ventes de charité (le film Calendar Girls est d’ailleurs tiré de cette histoire vraie), les pompiers d’Oyonnax pour les orphelins de sapeurs-pompiers, les agriculteurs de Parthenay pour le Téléthon… Il ne suffit plus d’être beau ni célèbre, c’est visiblement à la mode. Mais le fait que seulement des femmes posent nues pour l’instruction des fillettes est peut-être un peu déplacé, même si la photographe Carole Mathieu s’en défend : « J’ai vraiment voulu sublimer la femme. Il n’y a rien de vulgaire, rien d’érotique, rien d’agressif. »

Ariane Massenet © Carole Mathieu

Ariane Massenet © Carole Mathieu

Nues pour la Journée de la Femme
D’autant plus que le vernissage de l’exposition « corporELLES » se déroulera lundi 8 mars à l’occasion de la journée internationale des Droits de la Femme. Ces photos sont présentées comme « théâtrales et poétiques », et l’exposition comme « une exploration de la féminité et de la personnalité profonde de la femme ». Mais une femme a-t-elle réellement besoin d’être nue pour être féminine ? A-t-elle vraiment besoin d’ôter ses vêtements pour que l’on voie sa personnalité profonde ? Pas sûr. Surtout quand on se bat pour que des fillettes ne subissent pas de mariage forcé ou ne deviennent pas des esclaves sexuelles. Si l’on veut vraiment rendre hommage aux femmes en cette journée du 8 mars et si l’on lutte pour que des petites filles ne soient pas réduites à leur sexualité, alors réduire les femmes à leur corps – dénudé – peut paraître maladroit.

Christine Orban © Carole Mathieu

Christine Orban © Carole Mathieu

Carole Mathieu, « blessée » par ces questions soulevées par son travail, tient à s’expliquer : « Les retours médiatiques de ma démarche m’échappent totalement. C’est évidemment quelque chose que je ne maîtrise pas, mais je suis blessée de voir que ce que j’ai fait avec le coeur soit interprété de cette manière. » Elle précise également que « seules quatre photos sur vingt-et-unes sont des nus », mais que pour les restantes « ces femmes dévoilent seulement une épaule, un visage, des avants-bras ». La photographe décrit ensuite le contexte dans lequel ces clichés ont été faits : « Ce sont toutes des femmes extrêmement occupées, les séances de pose duraient entre 20 et 40 minutes. Il n’y avait pas d’assistant, il y avait un vrai rapport de confiance entre elles et moi. Tout s’est bien passé, tout était simple. » Elle ajoute ensuite : « Vous savez, ces femmes sont souvent attaquées sur leur physique, comme si elles étaient trop jolies pour pouvoir aussi être journalistes et intelligentes. Si elles ont accepté tout de suite de dévoiler une partie de leur corps, c’est parce que les photos ne sont ni érotiques ni vulgaires ; c’est vraiment pour l’association. » Elle précise enfin qu’au début, elle avait pensé à photographier des regards, avant de finalement opter pour des parties du corps symboliques : « ‘l’oreille pour l’écoute, l’épaule pour la confidence, les bras pour le réconfort, le ventre pour la maternité, le sein pour la sensualité… »

Arielle Dombasle © Carole Mathieu

Arielle Dombasle © Carole Mathieu

Une autre alternative que de poser nue ?
La nudité – même partielle et sublimée – fait vendre. Et c’est pour la bonne cause, puisque l’intégralité des bénéfices profiteront aux petites filles marocaines. Cependant, rien ne prouve que d’autres opérations ne seraient pas aussi lucratives. Si les stars (à demi) nues intéressent, le simple fait d’être célèbre aussi. Et puisque l’association lutte pour l’instruction des enfants, on pourrait imaginer que ces célébrités engagées rendent publiques leurs anciens carnets de notes et autres bulletins scolaires – on y trouve toujours des perles. Regroupés et intelligemment édités, ils pourraient être vendus dans toute la France – les Parisiens ne seraient donc pas les seuls à en profiter. De plus, cela permettrait peut-être aussi à des enfants français de voir que le travail paye ou que malgré des résultats moyens, on peut arriver à de grandes choses – selon. Une idée comme une autre.

Miss Marion © Carole Mathieu

Miss Marion © Carole Mathieu

En attendant, louons cette démarche généreuse. Les clichés sont superbes, voulus « comme des tableaux », et le jeu entre l’ombre et la lumière réussit avec éclat à mettre en valeur des modèles dont la grâce n’est plus à prouver.  Si le prix de vente des photographies ne sera fixé que lundi, jour du vernissage en présence d’Anne-Sophie Lapix et de la plupart des autres célébrités, il ne fait nul doute que la qualité de ces clichés décidera nombre d’esthètes d’en acquérir la totalité. Les enfants du désert les en remercient d’avance.

Exposition « corporELLES », du 8 mars au 10 juin 2010, La Cantine du Faubourg, Galerie 105, 105 rue du Faubourg Saint-Honoré, Paris 08.

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