Lasagnes au cheval : qui est responsable du scandale ?

Les pâtes surgelées du Groupe Findus se trouvent au cœur d’un scandale sanitaire auquel aucune personne connectée n’a pu échapper tant les plaisanteries de mauvais goût envahissent la Toile ces derniers jours. « Des lasagnes au cheval et un fromage blanc jockey. Le repas complet », cyniquement tweeté par @DavidAbiker par exemple. Bref. Ça sent le poney. Mais qui est responsable de l’odeur ? Findus, Comigel, Spanghero ou les bouchers roumains ?

Le scandale de la viande de cheval, une belle histoire européenne

Elle débute outre-Manche lorsque des clients découvrent dans leurs pâtes estampillées « Findus » de la viande chevaline en lieu et place du bœuf. Oh my God ! Quel est le bourreau qui a osé assassiner, hacher, assaisonner, puis congeler « My Little Pony » ? La justice française est rapidement saisie par des associations de consommateurs britanniques. Et les premières enquêtes révèlent une chaîne agro-alimentaire ultra-complexe qui courre de la France à la Roumanie en faisant deux-trois crochets par le Luxembourg, Chypre et les Pays-Bas. Comment trouver le responsable du scandale de la viande de cheval au cœur d’une entreprise aussi labyrinthique ?

La tâche semble ardue. D’autant plus que les divers maillons de la chaîne se refilent mutuellement le poulain. Samedi dernier, le Groupe alimentaire suédois Findus, dont la plupart des plats surgelés – les fameuses lasagnes, mais aussi des cannellonis, de la moussaka, du hachis Parmentier,… – ont été retirés des supermarchés français et britanniques, a déposé une plainte contre X. Car, selon le directeur de Findus France, Matthieu Lambeaux, « il y a deux victimes dans cette affaire : Findus et le consommateur. Nous porterons plainte contre X dès lundi ». Findus est-il sincère lorsqu’il clame son innocence ? Oui ? Alors qui est le responsable de l’odieuse « farce » au cheval ? Son fournisseur ? Ou bien le fournisseur de son fournisseur ?

Ce week-end, le Gouvernement de Jean-Marc Ayrault a essayé de remonter le circuit de la viande en cause. « Le fournisseur de l’usine luxembourgeoise (de Comigel, ndlr) est le groupe français Poujol (holding de tête de la société Spanghero, ndlr). Celui-ci a acquis la viande surgelée auprès d’un trader chypriote, qui avait sous-traité la commande à un trader situé aux Pays-Bas, ce dernier s’étant fourni auprès d’un abattoir et d’un atelier de découpe situés en Roumanie », a voulu expliciter le ministre de la Consommation, Benoît Hamon, tout en traînant implicitement les Roumains – ces éternels boucs-émissaires – sur le banc des accusés.

Ce n’est malheureusement pas si simple… Certes, les bouchers roumains exportaient de la viande chevaline en France via l’entreprise Spanghero, qui a d’ailleurs annoncé une action en justice contre son fournisseur, expliquant par l’intermédiaire de son président, Barthélémy Aguerre, avoir « acheté de la viande de bœuf origine Europe ». Mais, ils le faisaient en toute transparence, si l’on en croit les propos de Sorien Minea, le président de l’association Romalimenta qui rassemble les patrons roumains de l’alimentaire. « Je suis sûr que l’importateur (Spanghero, ndlr) savait que ce n’était pas du bœuf, car le cheval a un goût, une couleur et une texture particuliers », a-t-il indiqué avant de préciser que les prix de vente ne sont pas les mêmes : le cheval « est moins cher que le bœuf ».

Qui croire ? Qui accuser ? Pourquoi pas l’ensemble de la filière ?

Et celle-ci comprend pas moins de sept acteurs répartis dans cinq pays d’Europe. Quel casse-tête ! Heureusement, le journal Le Monde nous éclaire en proposant un schéma de la chaîne alimentaire du scandale de la viande de cheval, ici.

1. A Boulogne-sur-Mer, Findus commande le plat de lasagne « à la viande de bœuf ».

2. A Metz (Est de la France), Comigel demande à sa filiale Tavola de confectionner le plat.

3. Au Luxembourg, Taviola commande la viande fraîche à Spanghero.

4. A Castelnaudary (Sud de la France), Spanghero s’approvisionne via un trader.

5. A Chypre, le trader en question sous-traite la commande à un autre trader.

6. Aux Pays-Bas, le second trader passe un ordre d’achat de viande en Roumanie.

7. Depuis la Roumanie, un abattoir expédie de la viande de cheval à Spanghero.

Mercredi 13 février, une réunion européenne se tiendra à Bruxelles pour mettre « sous surveillance » l’ensemble de la filière viande et poisson en 2013. Les leaders européens préfèrent donc prendre des mesures radicales – quoique temporaires – qui pénalisent l’ensemble des acteurs de l’industrie agro-alimentaire plutôt que d’attendre le résultat des enquêtes en cours destinées à déterminer l’origine de la « tromperie ».

Ont-ils vraiment torts ? Non. Car, le scandale de la viande chevaline n’est que la partie émergée de l’iceberg de la mauvaise traçabilité des produits et des risques inhérents aux circuits alimentaires trop longs. Qui a envie de voir son morceau de viande tripoté – au risque d’être déformé comme l’information qui circule dans le téléphone arabe – par autant de mains différentes avant qu’il n’atterrisse dans son assiette ?

Crédit photo : C.Platiau/Reuters


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