Réforme du Conseil Constitutionnel : grande mesure ou petite « mesquinerie » envers Sarkozy ?

A l’occasion de ses vœux solennels aux membres du Conseil Constitutionnel, lundi 7 janvier, le président de la République, François Hollande, a pu annoncer les prochaines réformes qui viendront chambouler l’institution sclérosée. Et l’une d’entre elle fait particulièrement jaser : l’abolition du statut de membre de droit des ex-présidents de la République. Mesure décisive ? Tentative de diversion ? Ou simple « mesquinerie » envers le bleu du Conseil AKA Nicolas Sarkozy ?

« J’entends mettre fin au statut de membre de droit du Conseil Constitutionnel des anciens présidents de la République. Je proposerai donc d’y mettre un terme mais uniquement pour l’avenir » : tels sont les propos tenus lundi 7 janvier par François Hollande lors de ses vœux aux membres du Conseil Constitutionnel. En déclarant vouloir supprimer le statut de membre de droit des anciens chefs de l’Etat, il reprend l’une des propositions du rapport de la commission Jospin pour moderniser la vie publique française. Et confirme en même temps l’une de ses promesses de campagne.

Mais qui vise Monsieur Hollande avec sa réforme du Conseil Constitutionnel ? Messieurs Giscard d’Estaing, Chirac et Sarkozy qui bénéficient actuellement de ce statut automatique ? Non, c’est vers lui seul – et ceux qui le suivront aux commandes de l’Etat – que François Hollande oriente le canon de ce chambardement constitutionnel. Car sa mesure n’est pas rétroactive. VGE et Jacko tout comme Sarko n’ont donc rien à craindre : ces anciens chefs de l’Etat « assagis » à l’issue de leur(s) mandat(s) ne perdront pas leur statut de membres de droit du Conseil Constitutionnel. Alors pourquoi Nathalie Kosciusko-Morizet peste-t-elle contre le président socialiste ? Pourquoi vilipende-t-elle « la passion réformatrice de François Hollande » qui dissimulerait selon elle « une petite mesquinerie à l’égard de Nicolas Sarkozy » ?

Revenons d’abord sur les motivations du président. « Vous savez l’importance que j’accorde à une République exemplaire, dans laquelle la séparation des pouvoirs est respectée, les compétences de chacun préservées, la défense de nos valeurs fermement assurée », a-t-il assuré aux huit Sages de la rue de Montpensier conviés au palais de l’Elysée. Comme le veut la tradition, les trois anciens présidents étaient absents. Même invité, M. Chirac n’aurait pas pu assister au discours solennel de M. Hollande, car l’ancien Chef de l’Etat s’est retiré de l’instance constitutionnelle au lendemain de sa mise en examen dans l’affaire des emplois fictifs à la mairie de Paris.

Lors de ses vœux, le président de la République a également annoncé qu’il conduirait « une réforme constitutionnelle destinée à consolider l’indépendance du Conseil supérieur de la magistrature et consacrer son rôle dans la nomination de la hiérarchie du siège et du parquet, à supprimer la Cour de Justice de la République, à aménager le statut de chef de l’Etat et à reconnaître le rôle des partenaires sociaux ». Ces bonnes résolutions qui jaillissent de l’Elysée en ce début d’année comme la rosée aux aurores seront « adoptées par le Parlement réuni en Congrès, dans les mois qui viennent », selon François Hollande, qui compte tenir ainsi plusieurs de ses promesses électorales. En revanche, il renonce au « parrainage citoyen » des candidats aux scrutins présidentiels dont la mise en œuvre lui semble quasi-impossible.

La tenue de sa promesse électorale n°47 – « Les anciens présidents de la République ne siégeront plus au Conseil Constitutionnel » – suscite diverses réactions du côté de l’opposition. Si le président de la rue de Montpensier, Jean-Louis Debré, a soutenu le projet du chef de l’Etat en déclarant sur i-Télé que « les anciens présidents de la République n’ont pas leur place au Conseil constitutionnel », les avis de Jean-Pierre Raffarin et Nathalie Kosciusko Morizet (UMP) sont plus nuancés. Le premier affirme que ce n’est pas « une réforme majeure » et que le président de la République devrait « être mobilisé sur d’autres sujets ». La seconde enfonce le clou avec plus de brutalité : « Est-ce qu’il a vraiment rien à dire (…) sur les questions de l’emploi, pour que deux jours après avoir dit que c’est la priorité, il ouvre un nouveau front sur une question qui n’intéresse pas les Français ? »

Ainsi donc, la réforme du Conseil Constitutionnel, instance majeure de la République capable, comme on l’a vu récemment avec la taxe à 75%, de retoquer d’importants projets de loi, n’intéresserait personne ?

Image : Jean-Louis Debré avec François Hollande au palais de l’Elysée – AFP.


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