Le mariage gay s’invitera-t-il sur les bancs de l’école ?

Si le projet de loi sur le « mariage pour tous » ne doit faire couler ni l’encre ni la salive des écoliers, selon le ministre de l’Education nationale, Vincent Peillon, sa missive transmise vendredi aux recteurs d’académie, dans laquelle il prie les écoles catholiques de ne pas prendre part au débat sur l’union entre personnes de même sexe, pousse les hommes et les femmes politiques à prendre la plume.

Dans une lettre ministérielle, adressée le 4 janvier dernier aux recteurs d’académie, le ministre de l’Education, M. Peillon, alertait les écoles – publiques, mais surtout privées – sur les « phénomènes de rejet et de stigmatisation homophobes » et les conjurait de ne pas intervenir dans le débat sur le mariage homosexuel. Ce faisant, le ministre répondait au courrier envoyé mi-décembre par Eric Labarre, le secrétaire général de l’enseignement catholique, dans lequel il déclarait ouvertement son opposition au projet de loi socialiste. Quoi qu’il en soit, M. Peillon ne souhaite pas voir le mariage homo débarquer sur les bancs de l’école, ni dans le sens des « pros » ni dans celui des « antis ». Car l’école doit rester neutre pour « permettre à chacun l’exercice d’une liberté éclairée », selon lui.

Et le ministre l’a réaffirmé ce matin au micro de RTL : « il ne faut pas importer dans l’école des débats qui doivent avoir lieu dans la société ». Visée implicite de son intervention : répliquer aux critiques qui se sont succédées à droite depuis la parution de sa missive. L’opposition l’a notamment accusé de vouloir rallumer la « guerre scolaire » – opposant l’école publique laïque à l’école privée catholique – en utilisant en guise d’allumette la sulfureuse loi du « mariage pour tous ».

Ainsi, l’ancien ministre UMP de l’Education nationale, Luc Chatel, avait déclaré dans le Journal du Dimanche que la France – embourbée dans la crise – n’avait « pas besoin que l’on ressorte de vieux clivages ». « Le gouvernement veut-il ressusciter la guerre scolaire ? », avait-il questionné avant de poursuivre : « Je suis surpris que, d’un côté, on trouve normal d’organiser des débats dans les établissements publics par toutes les associations partenaires de l’Education nationale, sur tous les sujets, sans jamais dans ces cas-là invoquer la neutralité pour les empêcher, et que, de l’autre, on refuse que les établissements privés sous contrat organisent des débats sur l’évolution de la famille et le mariage homosexuel. »

L’actuel ministre de l’Education a rétorqué ce matin au micro de RTL : « Il y a un principe qui est assez simple dans notre école, sur des sujets qui intéressent les adultes, c’est la neutralité de l’école, nous ne faisons pas dans l’école de prosélytisme, nous veillons à respecter toutes les consciences ».  Il a poursuivi sur un ton plus solennel : « Je promeus dans ce pays une laïcité ouverte, il n’y aura pas de guerre scolaire ».

Car Vincent Peillon craint les foudres des catholiques. Et ne veut pas se voir accusé de ce néologisme tendance qu’est la « cathophobie ». C’est pourquoi, il a assuré que « la neutralité, ça vaut pour tout le monde, y compris les établissements publics » aux mains de ces « vélo-boulot-bobos » de profs qui, comme nous le savons, plantent autant d’idées anarcho-trotskystes dans le crâne de nos enfants que des plants de cannabis sur leur balcon du XIXe arrondissement. Finalement, qu’ils soient cathos ou gauchos, les professeurs ne doivent pas manipuler les écoliers. C’est ce que signifie la formule du ministre de l’Education : « Ne prenons pas les enfants en otage de nos opinions, nos manifestations ».

M. Peillon a raison lorsqu’il dit que « la neutralité de l’école » est fondamentale. Mais, la neutralité doit-elle pour autant interdire aux profs d’aborder en classe l’union homosexuelle ? La neutralité est-elle contraire au débat d’idées ? Si c’est le cas, alors la neutralité devient le bâillon de l’éducation. En prohibant certains sujets de société, Vincent Peillon ne rend-t-il pas ces mêmes sujets tabous ? Et pourquoi la famille, son évolution et son encadrement par la loi, deviendrait-elle soudainement tabou alors qu’on parle librement de sexe, d’alcool et de drogue dans la majorité des classes ?

Selon le ministère de l’Education, si M. Peillon s’est penché sur la question, ce n’est aucunement pour pousser les professeurs vers la censure, mais pour prévenir les éventuels cas de prosélytisme… Des cas qui lui auraient été signalés.


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