Libye: Nicolas Sarkozy est-il allé trop vite?

Soucieux de ne pas répéter les erreurs de positions françaises concernant les révoltes arabes, Nicolas Sarkozy s’est empressé de reconnaitre le Conseil national de transition – regroupant les membres de l’opposition libyenne – comme représentant légitime de la Libye. A l’heure où Mouammar Kadhafi renverse la situation, la France serait-elle allée trop vite ?

Le chef de l’Etat français a été le premier de l’Union européenne à reconnaitre officiellement le Conseil national de transition, qui siège à Benghazi, prenant de court les autres pays européens. Le 11 mars dernier, les 27 pays membres ont finalement reconnu la légitimé de l’opposition à Kadhafi à une nuance près : contrairement à la France, l’UE n’a pas exclu d’autres interlocuteurs. Résultat direct : Tripoli, capitale de Kadhafi, a suspendu ses relations diplomatiques avec Paris.

La semaine dernière, lorsque les insurgés libyens faisaient relativement jeu égal avec l’armée pro-Kadhafi, la position française n’était pas menacée. Sauf qu’aujourd’hui, faute d’aide internationale, le rapport de force retrouve sa logique (avions et artillerie lourde face aux mitraillettes et lance-roquettes isolés) ; et les opposants au régime libyen perdent peu à peu les villes conquises et se replient dangereusement vers Benghazi. L’armée ne serait plus qu’à 200 km du siège des insurgés.

Nicolas Sarkozy dans l’impasse

Si Mouammar Kadhafi reprend le pouvoir dans son pays, on imagine mal le dictateur effacer l’éponge et faire comme si la France avait soutenu le régime officiel. D’où les nombreux appels ces derniers jours du Président français pour l’instauration d’une zone d’exclusion aérienne afin d’empêcher l’aviation libyenne de bombarder les opposants.

La France a beau avoir le soutien de la Grande-Bretagne, tout comme les pays de la Ligue arabe, ce n’est pas le cas du reste de l’Europe et du monde. Ainsi, l’Allemagne, la Russie l’Inde et la Chine ont refusé la mise en place de cette zone d’exclusion, bloquant toute tentative de décision au niveau de l’ONU. Et quand on voit le temps que prennent les négociations, les insurgés auront certainement été vaincus avant que la communauté internationale n’ait réagit.

L’intervention militaire étant enterrée dans l’œuf, Alain Juppé espère que les membres du Conseil de sécurité de l’ONU se mettent au moins d’accord sur une résolution comme un « embargo maritime ». Jumelée avec le gel des avoirs de la famille Kadhafi décidée il y a deux semaines, cette décision pourrait-elle avoir un impact ? Probablement pas, quand on voit que Laurent Gbagbo n’a toujours pas été délogé de Côte d’Ivoire ; et que les pays européens ont besoin du pétrole libyen (80% du pétrole de Libye est exporté vers l’Europe).

Il faut tout de même souligner la rupture de la France, qui avait enfin décidé de se détacher d’un régime dictatorial qu’elle n’avait pas critiqué – ou si peu – à cause du pétrole. Mais elle a peut-être retourné sa veste un peu trop vite.

Sources: Le Monde, Metro, Agora Vox, Le Nouvel Obs.


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